La quête du pouvoir, quoi qu’il en coûte !

Gérard Davet et Fabrice Lhomme, grands reporters au Monde, racontent ce qu’est le journalisme d’investigation et les coulisses de la machine politique en compagnie de Sarkozy, Hollande et Macron, qu’ils n’ont jamais ménagés.

Alors qu’arrivent, à vitesse grand V, les prochaines élections présidentielles en France, la grande parade médiatique a déjà commencé, et devant ou derrière la caméra, tous les coups sont permis comme d’habitude ! Certains représentants changent alors de bord, de parti ; d’autres préfèrent bousculer leurs adversaires ou parler plus fort qu’eux.

Mais tous, finalement, se ressemblent : des obsédés (voire des possédés) du pouvoir, diraient d’une même voix Gérard Davet et Fabrice Lhomme, grands reporters au Monde, pour qualifier ces animaux politiques dont l’instinct et une délirante destinée leur dictent d’arriver au sommet… et d’y rester.

Journalistes d’investigation comme on dit, les deux hommes côtoient les puissants depuis presque 30 ans, comme d’inséparables aimants qui s’attirent ou se repoussent. Traquer la vérité et éclairer les zones d’ombre : tel est la hantise de cet étonnant tandem qui, malgré de réguliers changements de boutiques (Le Parisien, Mediapart, L’Équipe Magazine, Le Monde…), se sont toujours retrouvés pour «rudoyer» ensemble les politiques et révéler les secrets de grands scandales d’État du XXI^e siècle.

Deux agitateurs de la V^e République aux «victimes» toutes trouvées : Nicolas Sarkozy et François Hollande, deux surdoués à la longue rivalité, deux anciens présidents mais deux personnages que tout oppose, finalement dépassés en 2017 par plus jeune et plus brillant qu’eux : Emmanuel Macron.

À chacun, Gérard Davet et Fabrice Lhomme ont consacré au moins un livre qui ont fait grand bruit : d’abord Sarko m’a tuer (2011), puis Un président ne devrait pas dire ça… (2016), publiés peu avant l’élection suprême – ce qui, selon les concernés, a beaucoup contribué à leur non-réélection. Un dernier, sorti en octobre 2021 et déjà best-seller (Le Traître et le néant), s’attaque à Emmanuel Macron, dépeint comme un homme suprêmement habile, éperdu de lui-même. Les retombées seront elles identiques que pour les deux précédents? Pour y répondre, il faut encore attendre un peu…

D’ici là, L’Obsession du pouvoir sert de beau résumé (servi par les dessins de Pierre Van Hove) du travail de l’ombre mené par les deux journalistes depuis une première affaire «déterrée» en 1989 : la culpabilité d’un ancien ministre, Alain Devaquet, soupçonné de détournement de fonds. L’ouvrage, composé en chapitres, offre par ce choix une double lecture.

D’un côté, il jette un coup de projecteur sur les coulisses de la V^e République, les guerres d’ego, les haines profondes et bien sûr, les scandales politico-financiers, nombreux ces dernières années. Jugez plutôt : les frégates de Taïwan, Tapie, Clearstream, le sabotage de Tarnac, les affaires Julien Dray et Julie Gayet, Bettencourt, Bygmalion ou l’affaire des fonds libyens.

De l’autre, il dépeint le métier de journaliste-enquêteur qui, comme Gérard Davet et Fabrice Lhomme le précisent, oscille entre «risque nécessaire et prudence obligatoire». Dans ce sens, comme il l’est dit dans la préface, les phrases prononcées lors d’entretiens sont «les plus fidèles possibles à la réalité».

Loin de vouloir se mettre en avant, les deux auteurs, entre matches de foot, course à pied et cyclisme, détaillent surtout la concurrence, la quête du scoop, la frénésie de salles de rédaction, les informateurs anonymes (dans une atmosphère qui fait penser au film Les Hommes du président, avec Dustin Hoffman, Robert Redford et «Gorge profonde»), le secret des sources, mais aussi les rumeurs, les erreurs, les interrogations, les remises en question.

Une BD d’«immersion» qui évoque aussi les pressions subies par les deux investigateurs (ils ont été écoutés, cambriolés, suivis et même bousculés d’un peu trop près par des voitures). Il en faut toutefois plus, apparemment, pour les faire reculer : on apprend ainsi qu’une adaptation théâtrale d’Un président ne devrait pas dire ça… arrive pour le mois prochain.

On ne sait pas encore si Macron y tiendra un rôle d’importance ou, au contraire, continuera à jouer les marionnettistes à la tête de l’État. Ce sera sûrement moins drôle.

L’Obsession du pouvoir, 
de Gérard Davet, 
Fabrice Lhomme 
et Pierre Van Hove. 
Delcourt.

Traquer la vérité et éclairer les zones d’ombre : telle est la hantise de cet étonnant tandem