Le sucre est partout, des sauces tomate aux charcuteries : pour rehausser une saveur ou une couleur, à des fins de conservation et par souci d’économies, ce qui le rend difficilement remplaçable dans l’alimentation industrielle.
Les industriels « font tout pour racler dans les coins et produire le moins cher possible. Le sucre est leur meilleur allié », pointe Michael Moss, spécialiste agroalimentaire. (Photos : illustration AFP)
Contre l’obésité, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) veut diminuer les sucres « cachés » ou « libres », ceux qui ne s’expriment ni en morceau dans le café ou poudre dans les gâteaux, pas plus en bonbons ou confitures. Mais ceux ajoutés par l’industrie aux produits alimentaires et jus, les concentrés de fruits, le miel, les sirops d’agave ou d’érable et tous ceux tirés de l’amidon de maïs et autres céréales.
Or le combat est perdu d’avance, affirme Michael Moss, prix Pulitzer pour ses enquêtes sur le monde de l’agroalimentaire. « Le sucre est l’ingrédient miracle de l’industrie » qui s’en sert réduire les coûts de production, d’après lui. « Quand vous faites une sauce tomate, plutôt que de prendre de bonnes tomates bien rouges, vous prenez des tomates bon marché et vous ajoutez du sucre pour imiter une saveur naturelle. »
« Ils font tout pour racler dans les coins et produire le moins cher possible. Le sucre est leur meilleur allié. » C’est bien pour ça, enchaine-t-il, que le sucre se retrouve « à tous les rayons de l’épicerie ».
> Savamment dosé
Michael Moss, qui a enquêté pendant plus de dix ans sur les pratiques des géants nord-américains du secteur, va plus loin : les industriels ont développé des études et des tests poussés pour arrêter le « point de félicité » qui définira la dose de sucre idéale. Ni trop, ni trop peu. « Ils ne se contentent pas d’ajouter du sucre dans leurs produits, ils calculent la dose exacte qui nous poussera à les acheter », insiste-t-il. Car à force d’ajouter du sucre dans tout et partout, « vous finissez par vous attendre à manger toujours sucré ».
Une habitude vite problématique chez les enfants, quand il s’agit ensuite de leur faire manger des légumes qu’ils trouveront fatalement amers ou aigres…
En France, l’Association nationale des industries alimentaires ne souhaite pas épiloguer sur le sucre dans les formules de ses adhérents. Son porte-parole Amaury Bessart répond qu’elle n’a « pas de position, ni pour ni contre ». « L’étiquette nutritionnelle au niveau européen impose de mentionner tous les sucres » rappelle-t-il, citant la réglementation communautaire de décembre 2014 qui renforce l’information du consommateur au dos de l’emballage.
« Dans les produits salés, c’est sans proportion, de l’ordre de la pincée de sucre », affirme Philippe Reiser, directeur scientifique du CEDUS, (Centre d’études et de documentation du sucre et organisme interprofessionnel), la France étant productrice de sucre de betterave et de canne. « Pour le jambon ou les conserves de légumes, c’est entre 0,1 et 2 à 3%, pour arrondir le goût et les arômes et pour la couleur », indique-t-il.
Pour la conservation des denrées il faut au moins 50%, comme dans les confitures. Sans compter les céréales du petit-déjeuner : « 70% de glucides dont un quart de sucres. » Dans les pays industrialisés, reprend Philippe Reiser, 80% du sucre consommé l’est via des produits sucrés qui annoncent la couleur, bonbons, chocolats, confiseries et ketchup (4 grammes dans une cuillère à soupe). « Cette répartition est restée stable depuis une vingtaine d’années. Normal, l’alimentation on ne la fabrique plus soi-même », note-t-il.
L’OMS cite également une étude montrant qu’aux États-Unis « 80% des aliments vendus en supermarché contiennent des sucres cachés ». Mais « on consomme plus de sucres aux États-Unis qu’en Europe : 1,5 à 2 fois plus et 4 à 5 fois plus de boissons sucrées », nuance Philippe Reiser.
« Les industriels essaient de nous tromper en affirmant que certains sucres sont moins nocifs que d’autres, mais du point de vue nutritionnel, le sucre c’est du sucre », martèle Michael Moss. Mais de toutes façons, constate-t-il dans son étude, quand ils allègent un ingrédient de la trilogie sel-sucre-gras, ils augmentent fatalement les deux autres. « Pour rester irrésistibles. »
AFP