Accueil | Culture | La fureur d’Hawad, poète et peintre touareg

La fureur d’Hawad, poète et peintre touareg


Une anthologie de Hawad vient d'être publiée dans la prestigieuse collection Poésie de Gallimard. (photo AFP)

« Surtout n’écrivez pas que je suis nigérien », commence par ordonner le poète-peintre touareg Hawad. « Je suis touareg, ma nation, elle est écartelée entre cinq nations. Je ne reconnais pas ces nations africaines ».

Une anthologie de Hawad vient d’être publiée dans la prestigieuse collection Poésie de Gallimard. Le musée national Boubou-Hama de Niamey et le Centre Culturel Franco-Nigérien (CCFN) organisent, eux, jusqu’au 27 mai une rétrospective regroupant toute la carrière picturale de cet artiste.

Hawad, bien plus connu pour sa poésie que pour sa peinture, écrit en langue touareg.

« Ma douleur touareg, je la fais douleur de l’humanité tout entière, de tous les hommes et femmes qui souffrent écartelés, écrasés », dit-il.

« Je suis écartelé par les frontières, par les différentes couches d’invasion. Par des Etats, d’anciennes couches de colonisation mais aussi par des Etats héritiers de ces colonisations. Les frontières, on les voit comme quelque chose qui nous déchire », poursuit-il.

Cheveux en bataille, regard perçant, gestes saccadés, flot continu de paroles enflammées, semblant toujours en colère, Hawad, chèche touareg bleu autour du cou, est à l’image de son oeuvre poétique et picturale: « La Furigraphie ».

« Pour crever le furoncle/de l’oubli/pour déchirer le voile pudeur/qui enveloppe la cicatrice du silence/il me faut le venin/de la vipère à cornes/des salines saumâtres/et une langue aiguisée mordante/comme la rouille », écrit notamment Hawad dans une de ses poésies.

« Je la projette (cette douleur) et je fais un travail (…) J’assume mes tares, mon hystérie, ma +sirocccomanie+. (…) Je n’ai pas cette patience et je n’ai pas envie de l’avoir », clame-t-il. « L’harmonie, je lui donne un coup de pied pour qu’elle foute le camp. »

« Furigraphie »

Pour Olivia Marsaud, commissaire de l’exposition ouverte à Niamey, Hawad « a inventé cette notion de +furigraphie+ dans laquelle il sort vraiment ses tripes ». « C’est une poésie de l’urgence, de la violence, mais à la fois de la sensibilité. C’est très intelligent. Sa poésie et son oeuvre picturale sont liées, les deux vont vraiment ensemble. »

Pour son oeuvre picturale, Hawad part souvent de l’alphabet touareg qu’il dessine et déforme pour arriver à des oeuvres denses. « Au début, c’est le mot. On croit au mot. Mais rapidement, les mots n’ont plus de sens, n’ont plus de valeur (…) C’est ça, l’écriture. Donc j’écris et à un moment j’arrive au bout des mots. Quand le mot ne peut plus être marque de votre émotion, j’essaie de trouver un geste au-delà du mot, au-delà du son, de trouver quelque chose: un geste polyvalent qui peut-être une marque de ce que je voulais projeter ».

Il utilise tous les supports: des « draps d’hôpital qu’on allait jeter », des bouts d’os, des fourchettes… toutes sortes d’éléments récupérés au hasard, dans le but de « prolonger leur vie ».

Hawad, 67 ans, dit être né dans « l’Aïr (nord du Niger). Cette partie du Sahara est recensée dans ce qu’on appelle le Niger aujourd’hui », précise-t-il, vindicatif. Il y est resté jusqu’à ses 17 ans, avant de « devenir un itinérant entre l’Europe, le Sahara et l’Afrique du Nord ».

Prisons et universités

« La première fois que je suis parti de chez moi, en 1967, j’ai traversé le Sahara à pied. Il y en a qui partaient pour chercher de l’argent. Moi, je suis parti à la rencontre de ces mouvements de jeunes Européens qui se révoltaient contre la culture (européenne), contre les dogmes de la société bien-pensante chrétienne », déclare-t-il, se disant un admirateur des hippies.

Il explique s’être senti parfois comme « un ballon », allant de pays de pays, fréquentant des universités ici et là, bien accueilli dans certains Etats, indésirable dans d’autres.

« J’allais dans des cours, en Egypte, à Bagdad, en France, en Europe. Ce qui m’intéressait, ce n’était pas d’avoir un diplôme. Quand j’entendais qu’un cours plaisait, je venais, je m’asseyais… », se souvient Hawad, qui vivait alors de petits métiers et fut peintre en bâtiment.

Hawad vit désormais près d’Aix-en-Provence, dans le sud de la France, mais continue à vouloir voyager, notamment vers l’Amérique latine: « Des caravanes aux caravelles… », conclut le poète.

Le Quotidien / AFP