Le premier musée permanent de France dédié aux jeux vidéo ouvre ses portes samedi près de Strasbourg et propose de raconter l’histoire du « 10e art » à travers plusieurs centaines de machines, objets et documents d’époque.
Le « Pixel Museum, musée du jeu vidéo, des loisirs connectés et de l’art vidéoludique », installé dans un ancien centre pour enfants handicapés à Schiltigheim, entend devenir la première initiative pérenne du genre en France. Jeux électroniques, d’arcade, éducatifs, informatiques, de société, consoles: le musée passe en revue plus de 40 ans d’histoire du 10e art à travers une dizaine de salles thématiques, des origines du jeu sur oscilloscope à « Pong », jouable sur grand écran.
On y trouve les premières machines de salon, comme l’Odyssey de Magnavox (1972), des marques de constructeurs peu connus, les consoles 2D et 3D de Nintendo et Sega, Sony et Microsoft. Salle d’arcade éclairée aux néons avec bornes et flipper, 250 machines, consoles, ordinateurs, photomontages, et graffiti d’artistes locaux, en hommage aux super-héros et mascottes Sonic et Super Mario: le musée propose une immersion complète dans cet univers de la culture populaire.
Soutenu par la municipalité, le projet a nécessité 1,6 millions d’euros d’investissement. Le « Pixel Museum » présente plusieurs centaines de pièces issues de collections privées, principalement de celle du directeur du lieu et promoteur du projet, Jérôme Hatton, un ancien ingénieur chez un sous-traitant d’Alcatel. Passionné de jeux depuis plus de 20 ans, il possède quelque 25.000 objets, qui seront présentés en rotation sur les quelque 600 m2 de surface d’exposition et de rayonnages. Jérôme Hatton a créé en 2011 à Strasbourg une école qui forme au développement de « jeux sérieux », notamment pour des institutions.
Raconter une histoire
« On ne veut pas en faire un musée de geek, on veut raconter une histoire », explique Mathieu Bernhardt, responsable de la communication du Pixel Museum. « Le musée démarre à Strasbourg, où le tube cathodique a été inventé par Ferdinand Braun, et se termine à Strasbourg », recréée pour l’occasion en briques virtuelles dans « Minecraft », un jeu mêlant aventure et construction, très prisé du jeune public.
Dans le hall d’exposition temporaire, une installation interactive faite de quatre modules de bornes d’arcade stylisées géantes – « l’Uppercube » de l’artiste Paul Souviron – forme un clin d’oeil aux jeux de combat avec des personnages remplacés par des formes géométriques. Dans une salle au sous-sol, le patron du musée insiste pour montrer une curiosité: une machine à coudre Singer « connectée », pilotée à l’aide d’une Game Boy de Nintendo. « La Game Boy servait à préparer ses motifs à broder et on les envoyait sur la machine à coudre », s’amuse Jérôme Hatton.
« Objet de mémoire »
Si des musées du jeu vidéo et de la micro-informatique existent déjà ailleurs, aux États-Unis, au Québec, en Allemagne, il s’agit bien d’une première en France. En 2012, les jeux anciens avaient fait une entrée remarquée au Musée d’art moderne (MoMA) de New York qui a commencé à collectionner les titres les plus anciens et projette d’en acquérir des dizaines dans les prochaines années. En 2011-2012, une exposition intitulée Game Story s’était tenue au Grand Palais à Paris, organisée par la Réunion des musées nationaux (Rmn).
Pour Sébastien Genvo, professeur à l’université de Metz et chercheur en jeux vidéos, il est « important d’avoir des logiques de conservation » et ce musée « sonne comme un aboutissement après de nombreux jalons et d’initiatives » depuis les années 2000. « Des amateurs ont souvent monté des associations pour rassembler, amasser et préserver » ces objets, comme l’association française pour la préservation du patrimoine numérique MO5. Un musée montre que « les jeux vidéos ne sont pas seulement un objet technique », mais « un objet de mémoire à transmettre » et « qu’ils survivent indépendamment de leur âge », souligne-t-il.
Le Quotidien/AFP