En récompensant Atlantide, qui brouille les frontières entre documentaire et fiction, le jury de ce 12e LuxFilmFest a surpris tout le monde. Une façon de montrer qu’il était, à l’image du festival, défricheur et imprévisible.
À l’instar des jours qui ont précédé le début de l’évènement, le dernier week-end de la 12e édition du Luxembourg City Film Festival a été riche en rebondissements. Imprévisibles, à l’image d’un festival qui a encore prouvé cette année, à travers une centaine de films, qu’il sait se placer à l’avant-garde des nouvelles découvertes cinématographiques. À la controverse concernant le retrait des quatre films russes du programme (dont Gerda, sélectionné en compétition officielle) a succédé une nouvelle qui a permis au festival et à son public de respirer un peu : la fin du Covid Check et du port du masque à l’intérieur des lieux culturels. Symboliquement lié au début de la pandémie, avec son arrêt brutal en mars 2020, le LuxFilmFest a pu se clore dans le fameux «retour à la normalité» convoité depuis deux ans.
Pour son retour 100 % en salle, le festival avait de quoi craindre, pourtant, de ne plus attirer autant de monde qu’avant la pandémie. C’est tout le contraire qui s’est produit : les chiffres exacts ne sont pas encore connus, mais les organisateurs faisaient part, samedi soir, d’environ 10 000 spectateurs en dix jours, et un total de 16 000 participants en comptant les évènements liés au festival (Pavillon VR, expositions…). À titre de comparaison, la dernière édition «normale», en 2019, a attiré plus de 18 000 personnes dans les salles. Compte tenu du contexte sanitaire, il y a de quoi se dire que l’on est sur la bonne voie…
Effet de surprise
L’autre grande surprise du week-end fut apportée par le jury international. Joliment disparate, il était néanmoins attendu au tournant, en particulier avec la présence du film ukrainien de Valentyn Vasyanovych Reflection, qui a laissé une très forte impression au sein de la compétition, eu égard à sa violence, physique et psychologique, qui fait écho à l’actualité brûlante. Mais contre toute attente, le cinéaste palestinien Elia Suleiman et son jury ont choisi de récompenser le film italien Atlantide, de Yuri Ancarani, œuvre «poétique qui est une expérience sensorielle dotée d’une réalisation audacieuse et viscérale», a-t-il déclaré. Difficile de se réjouir face au triomphe du film le plus faible de la compétition, mais c’est aussi ça, l’effet de surprise.
Le véritable vainqueur de cette cérémonie de remise de prix a été Panah Panahi, le cinéaste iranien qui, à 37 ans, a présenté son premier long métrage, la grande bouffée d’air frais Hit the Road. Son «road movie» a séduit le public, qui a voté pour l’élire comme son grand coup de cœur, mais aussi le jury de la critique, qui l’a récompensé ex æquo avec le fascinant, quoique beaucoup plus sombre, Prayers for the Stolen, de la réalisatrice mexicano-salvadorienne Tatiana Huezo. Quant au jury documentaire, il a décerné son prix au curieux What Will Summer Bring, épopée méta de l’Argentin Ignacio Ceroi, saluant une «expérience intime» qui «réconcilie son public avec l’humanité».
En attendant son édition 2023, qui, espère-t-on, pourra asseoir définitivement le LuxFilmFest tant dans le retour à la normalité que dans son importance dans le «monde d’après», le festival continuera de jouer les défricheurs avec son LuxFilmLab mensuel, qui reprendra le 6 avril avec A Chiara, de Jonas Carpignano, récompensé par le prix de la critique au dernier festival du Film italien de Villerupt. Pour le reste, le rendez-vous est donné du 2 au 12 mars 2023.
Le palmarès
Grand Prix
Atlantide, de Yuri Ancarani (Italie)
Prix du documentaire
What Will Summer Bring, d’Ignacio Ceroi (Argentine)
Prix de la critique
Prayers for the Stolen, de Tatiana Huezo (Mexique),
ex æquo avec Hit the Road, de Panah Panahi (Iran)
Prix du public
Hit the Road, de Panah Panahi (Iran)
2030 Award
Aya, de Simon Coulibaly Gillard (Belgique)
Mention spéciale : Prayers for the Stolen, de Tatiana Huezo (Mexique).
Prix VR
Goliath : Playing with Reality, de Barry Gene Murphy et May Abdalla (Royaume-Uni)
ex æquo avec We Are at Home, de Michelle et Uri Kranot (Canada)