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La « culture sexiste et de harcèlement » de la Silicon Valley


La date exacte du procès n'a pas été décidée mais celui-ci devrait se dérouler entre avril et juin 2018 (photo: AFP)

Gestes déplacés, messages équivoques, pressions : de plus en plus de femmes de la « tech » dénoncent ce qu’elles appellent la « culture sexiste et de harcèlement » de la Silicon Valley, largement dominée par les hommes. Les scandales et démissions se multiplient, comme celle du patron d’Uber.

Travis Kalanick, 40 ans, a démissionné le 21 juin après déjà une série de renvois et de démissions d’employés et de hauts cadres, sur fond d’accusations de sexisme et de harcèlement. L’ancien patron du géant de la location de voitures avec chauffeur, connu pour ses blagues sur ses conquêtes féminines, était accusé d’avoir encouragé une culture d’entreprise propice aux dérapages.

Le monde de la Silicon Valley est depuis plusieurs années accusé de sexisme et de fermer les yeux sur le harcèlement sexuel. Mais depuis qu’une ex-ingénieure d’Uber a affirmé publiquement en février sur son blog avoir été victime de harcèlement -ce qui a fini par provoquer la démission ultra-médiatisée de Travis Kalanick-, les scandales s’enchaînent.

Fin juin, Justin Caldbeck a quitté sa société d’investissement Binary Capital après que six femmes ont affirmé avoir reçu des avances alors qu’elles cherchaient à lever des fonds. « Je suis tellement désolé », a déclaré l’intéressé dans un communiqué : « Le déséquilibre qui existe entre les investisseurs de capital-risque, des hommes, et les femmes entrepreneurs est effrayant et je suis horrifié à l’idée que mon comportement ait pu contribuer à créer un environnement sexiste ».

« Double peine » pour les femmes

Quelques jours plus tard, c’est un autre investisseur, Dave McClure, qui a avoué dans un texte intitulé « Je suis un tordu », avoir « fait des avances à de nombreuses femmes dans le cadre professionnel ».

Une dizaine de « femmes de la tech » venaient de dénoncer dans le New York Times la « culture du harcèlement » sexuel dans la Silicon Valley, certaines pointant nommément Dave McClure et Justin Caldbeck. « Il est très important de dénoncer ce type de comportements (…), de façon à ce que le secteur puisse reconnaître les problèmes et s’y attaquer », a déclaré au quotidien Katrina Lake, la patronne de Stitch Fix, qui affirme avoir été victime de Caldbeck.

Dans la Silicon Valley, « c’est un peu la double peine car on a à la fois une industrie largement dominée par les hommes -la tech- et le monde de la finance », lui aussi très largement masculin, explique Éliane Fiolet, Française installée dans la célèbre vallée depuis 2000 et co-fondatrice du site spécialisé Ubergizmo. Selon elle, le secteur technologique compte « à peine 10% » de femmes.

Chez Google, 69% des salariés sont des hommes, une proportion qui monte à 80% dans les postes technologiques, selon ses derniers chiffres. « 20% de femmes, ce n’est pas du tout suffisant », reconnait Eileen Naughton, vice-présidente en charge des relations humaines du géant d’internet, qui précise néanmoins que « presque la moitié » des cadres dirigeants sont des femmes. « Il est très important d’avoir en notre sein un environnement qui permette aux femmes de s’exprimer quand elles sont victimes de discrimination ou de harcèlement » et Google est « déterminé à jouer un grand rôle pour changer la culture de la Valley », assure-t-elle.

Campagnes de boycott

Chez Facebook, les femmes n’étaient que 27% parmi les cadres supérieurs en 2016. Chez Apple, on compte 37% de femmes au total. Les deux groupes affirment eux aussi travailler à augmenter ces chiffres.

Katheline Coleman, arrivée du Canada en 2013 pour travailler dans cette région, a été frappée par l’omniprésence des hommes. « Il y a une sorte de zone grise entre les rencontres professionnelles et les happy hours » en fin de journée, poursuit-elle. Autant de moments de « réseautage » typiques de la Silicon Valley, dont certains hommes sans scrupules peuvent tirer avantage, explique cette investisseuse.

En 2014, Ellen Pao était devenue un symbole du sexisme supposé de la Silicon Valley en poursuivant pour discrimination son ex-employeur, la société de capital-risque KPBC. Mais elle a perdu son procès.

Pour Éliane Fiolet, faire des déclarations publiques, sans forcément aller en justice, -comme l’a fait l’ingénieure d’Uber- « est beaucoup plus efficace car cela peut entraîner des campagnes de boycott ». Ce qui a justement été le cas avec Uber. Les administrateurs du groupe ne s’y sont pas trompés : inquiets, ce sont eux qui ont contraint Travis Kalanick à la démission, selon la presse américaine.

Le Quotidien/AFP