L’abbaye de Neumünster organise jusqu’à dimanche le festival « Au cœur des faubourgs », qui met, pour cette première édition du moins, le rebétiko, et plus largement la culture grecque, à l’honneur.
Souvent comparé au tango argentin ou au fado portugais, pour sa naissance dans les bas-fonds malfamés, une certaine odeur de soufre et une grande mélancolie allant de pair avec la perte de la patrie et de ses racines, le rebétiko est «une musique très particulière issue du mouvement migratoire». «Très pauvres, les gens avaient dû quitter leur pays souvent en Asie mineure pour s’installer en Grèce, la plupart du temps dans des lieux malfamés», explique Manolis Kailis, Grec installé au Luxembourg, membre fondateur du I Iatri tis Psychis, un des groupes à l’affiche pour ce premier Au cœur des faubourgs. «C’est un style très underground, qui a développé un langage propre, et en même temps une musique très claire et pure avec des textes forts, profonds et mélancoliques, qui font souvent référence à la vie quotidienne de ces gens, à leurs sentiments amoureux, mais aussi à leurs problèmes avec la police, la prison, etc.», ajoute-t-il.
Et du rebétiko, il y en aura à l’occasion de cette première édition du festival Au cœur des faubourgs. C’est même à partir et autour de lui, que s’est montée toute la manifestation. «Le faubourg représente un endroit qui n’est pas officiel, pas mis au centre de l’attention. Alors même que c’est souvent dans les faubourgs que des expressions culturelles comme le rebétiko, le tango ou encore le blues sont nées et se sont développées. Des cultures qui sont devenues, ensuite, comme des signes d’identité de collectifs beaucoup plus larges, voire de tout un pays», souligne l’organisatrice, Paca Rimbau Hernandez – aussi engagée dans le Circulo Machado, dans le festival de flamenco d’Esch ou encore dans le récent projet «No Pasaran !» également à Neimënster. Et elle ajoute : «L’idée du festival est de mettre en valeur cette marginalité.»
C’est pourquoi le rebétiko reste le focus principal de la manifestation, qui porte le sous-titre «Kardià – hommage au rebétiko», Kardià, signifiant cœur, en grec. Ainsi, la soirée d’ouverture, vendredi, verra I Iatri tis Psychis et les danseurs du club de culture et danses helléniques proposer une soirée de rebétiko, «mais aussi de musiques plus légères», assure Manolis Kailis. Il en sera de même le lendemain, avec le concert de deux musiciens installés à Paris : Dimitris Mastrogioglou (bouzouki) et Menelaos Eugeniadis (guitare).
Jazz, marionnettes et ombres
Pour le reste de la manifestation, c’est donc toute la culture grecque qui sera mise à l’honneur, avec les jazzmen grecs de Butterfly Effect qui animeront le traditionnel apéro jazz du dimanche matin ou encore la pièce de marionnettes et ombres Agori kai balitsa proposée par The Greek Theater Society of Luxembourg; un spectacle en grec surtitré en anglais, qui retrace le parcours d’un adolescent sauvé de la guerre par ses parents qui l’envoient chez son oncle à Londres avec juste une petite valise. «Un voyage qui n’est pas sans rappeler, reprend Paca Rimbau Hernandez, celui de ces personnes arrivées en Grèce au début des années 20 et qui ont, ensuite, donné naissance au rebétiko.» Des ateliers de bouzouki, de chant rebétiko et de danses grecques sont également prévus le samedi et le dimanche après-midi.
Enfin, une exposition d’art contemporain grec proposé par la galerie bruxelloise Theorema, qui va présenter des œuvres de 12 artistes, faisant souvent référence à la mythologie grecque (Homère, Ulysse, Œdipe…) se tiendra, pendant les trois jours du festival seulement, au cloître Lucien-Wercollier; contrairement à l’exposition du photographe Nikos Ververidis, installé au Luxembourg depuis 1998, dont les clichés regroupés sous le titre «Passion – Grèce, Portraits des années 1980 et 1990» sont présents à la Brasserie de l’abbaye depuis le 18 juin et resteront en place jusqu’au 4 septembre.
Pablo Chimienti