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La barbe : sujet à controverses chez les pompiers français


Intervention sous appareil respiratoire isolant (ARI) place de la Gare à Thionville. (photo RL /Pierre Heckler)

Barbe ou pas barbe… Le sujet anime les soldats du feu qui n’apprécient guère qu’on vienne leur dire comment se raser. Même s’il s’agit d’une recommandation du ministère de l’Intérieur pour leur sécurité. «Un faux sujet, critiquent des pompiers mosellans. La priorité, c’est de décontaminer nos tenues.»

En Meurthe-et-Moselle, ce n’est plus un sujet. Une forte pilosité gênerait l’étanchéité des masques et exposerait donc les pompiers portant la barbe fournie à un risque d’inhalation de gaz ou de fumée? La direction du Service département d’incendie et de secours (Sdis) a tranché et tolère de voir ses hommes porter la barbe. À condition qu’elle soit courte et bien taillée.

En Moselle comme dans d’autres départements, la position n’est pas arrêtée. En attendant, ça fait causer dans les casernes. Et pas seulement parce que les soldats n’apprécient guère qu’on regarde leur pilosité d’un peu trop près.

«C’est surtout un faux débat, grince un sous-officier. D’après les fabricants, il faut que les masques soient contre la peau. Mais ils fonctionnent en surpression! Au pire, l’air est expulsé. Il n’y a aucun risque d’absorption des fumées. Aucun. S’ils veulent qu’on se rase, on se rasera. Mais ça ne règle rien.»

«Le souci, ce sont nos tenues et les particules fines»

Le «vrai sujet», selon eux, «ce sont les particules fines, et là, on ne réagit guère…» Un rapport de 2017 fait état d’une surmortalité par cancer chez les pompiers. Le rôle des fumées toxiques auxquelles ils sont exposés lors des incendies est pointé du doigt. «Notre souci, ce sont nos tenues qui continuent de rejeter les particules cancérigènes après un feu», déplore Jean-Philippe Parella, représentant CGT.

Le syndicat porte ce sujet depuis des années. «Un groupe de travail a été mis en place par le SDIS (Service départemental d’incendie et de secours) de la Moselle. Il faut un protocole clair. On sait ce qu’on doit faire. Dans beaucoup de pays, notamment anglo-saxons, c’est en place. La France est en retard.»

Après un incendie, les pompiers français retirent leur appareil respiratoire isolant, leur masque et rentrent dans leur fourgon. Ils enchaînent les missions. Le bon protocole voudrait «qu’on ne retire notre masque qu’une fois la tenue lavée et frottée avec l’aide d’un collègue. Ensuite, il faudrait que cette tenue soit placée dans un sac et décontaminée. Cela n’existe pas chez nous, pas encore. On en est loin.»

Un pompier messin soupire : «On voit de plus en plus d’anciens mourir tôt, emportés par un cancer. Avant, ça nous touchait moins parce qu’on ne les avait pas connus. Maintenant, ce sont des hommes avec qui on est allé au feu. Ça fait mal.»

Kevin Grethen/RL