Knock at the Cabin
de M. Night Shyamalan
avec Jonathan Groff, Ben Aldridge, Dave Bautista…
Genre thriller
Durée 1 h 45
Récemment, lors d’une interview donnée à Paris pour la sortie de son nouveau film, il avouait ne plus s’y retrouver avec Hollywood, industrie devenue à ses yeux «dysfonctionnelle», tendance qui s’observe, toujours selon lui, à travers des films qui se regardent le nombril ou qui prennent les spectateurs pour des idiots. Pour défendre son indépendance, le réalisateur américain de 52 ans, consacré avec Sixième Sens (1999), reconnaît mettre régulièrement la main à la poche afin de «quitter le système» et créer librement.
À l’instar de ses personnages schizophrènes (Split) ou fracturés (Glass), il y aurait donc deux M. Night Shyamalan. D’un côté, celui qui profite des largesses du streaming et qui le lui rend bien avec de belles réussites (notamment la série Servant sur Apple TV+). De l’autre, celui qui, pour le grand écran, fait avec ses propres moyens, selon une équation douloureuse qu’il accepte : «petits films et gros risques». On en avait déjà eu la démonstration avec le dernier Old (2021, avec Vicky Krieps), fable imparfaite et poussive sur le temps qui passe.
Avec Knock at the Cabin, s’il est toujours question de vacances, on quitte la plage de sable fin pour les bois. Celui qui a l’habitude de jouer avec les nerfs des spectateurs pose là un décor idéal et plutôt courant : une famille isolée dans un chalet au fond des bois (un couple homosexuel, Andrew et Eric, et leur fille adoptive, Wen), qui voit débarquer sur leur paillasson quatre inconnus, dont Rupert Grint (Harry Potter) et un monstre au cou de taureau, l’ex-catcheur Dave Bautista (Les Gardiens de la Galaxie, Glass Onion).
Malgré leur côté un peu illuminé et les armes qu’ils portent (100 % bricolées main!), ils cherchent à entrer dans la cabane sans trop de violence – ce qu’ils font avec plus ou moins de réussite, en dehors de carreaux cassés et d’une vilaine chute. Car ils ont un message de la plus haute importance à faire passer à leurs hôtes, désormais ligotés : la fin du monde est imminente! Et le seul moyen d’y échapper est de sacrifier l’un des leurs. Tant qu’ils refusent, différents fléaux vont s’abattre sur la planète (tremblement de terre, tsunami, virus…). Au centre, une question : que vaut une vie quand toute l’humanité est en danger?
Comme d’habitude, M. Night Shyamalan use du thriller fantastique (car point d’horreur ici) pour parler des maux qui rongent pour de vrai la société. Knock at the Cabin évoque ainsi l’homophobie, la Terre qui déraille et l’individualisme face à l’altruisme. Surtout, il met en lumière un problème bien actuel : les «fake news», avec lesquelles les théories les plus farfelues peuvent mal finir. Avec son lot, bien sûr, d’interrogations : fait-on confiance à ce que l’on nous montre, aux autres, au système? Le pragmatisme contre la croyance. Entre les deux, une vérité incertaine et des doutes en pagaille.
Tiré d’un roman de Paul Tremblay, La Cabane aux confins du monde (2018), le film, dans sa forme, n’affiche pas de folles ambitions. Il reste ainsi cantonné au huis clos (en dehors de flash-back inutiles) et à ce face-à-face entre les victimes et les bourreaux, deux parties aux contours flous qui ne lâchent rien. C’est peu dire tant la thématique de la foi est discutée, encore et encore, à travers de longs bavardages qui aboutissent à la même maxime : «Croire en quelque chose de plus puissant que soi», comme le précisent ces «nouveaux» cavaliers de l’Apocalypse.
Alors que dehors, tout semble s’effondrer – c’est la télévision qui le dit! – à l’intérieur, l’histoire, elle, tourne en rond. La faute, sûrement, à un scénario faiblard, sans suspense ni effroi, et encore moins de rebondissements. M. Night Shyamalan aurait-il perdu en route sa science du «twist» (une révélation inattendue qui change le sens d’un film) qui a fait sa renommée ? La prophétie est formelle : il est temps qu’il la retrouve.