Plus de quatre ans après Petite Amie, Juliette Armanet a fait son retour vendredi dernier avec son deuxième album, Brûler le feu. Forcément incandescente, elle y chante l’amour sous toutes ses formes et prouve qu’elle a de l’énergie à revendre. Rencontre.
Avec Brûler le feu, Juliette Armanet livre un disque profondément libre, riche et incandescent. Des titres dansants aux sonorités disco se mêlent à des ballades dans lesquelles le piano se fait chaleureux et même réconfortant.
Explorant aussi sa voix de façon plus assumée, elle réussit avec la facilité déconcertante d’un craquement d’allumette l’épreuve du deuxième album, avant de repartir sur les routes mettre le feu sur scène.
Avec le recul, quel regard portez-vous sur le succès de votre premier disque, Petite Amie, qui s’est vendu à 200 000 exemplaires ?
Juliette Armanet : J’ai eu tellement de chance que cet album parle aux gens et rencontre un public aussi vaste. Il a noué une véritable histoire d’amour avec le public et c’est assez rare. La musique est devenue une industrie dans laquelle il faut tellement batailler pour que cela fonctionne que je serai éternellement reconnaissante aux personnes qui ont cru en moi dès le début.
Est-ce que cela vous a mis une pression pour ce nouveau disque ?
Évidemment, car on a peur de décevoir les gens qui vous ont aimé et qui ont donné des ailes à votre projet. C’est en quelque sorte un deuxième rendez-vous amoureux, on a autant envie de plaire que la première fois. On a peur de ne pas être à la hauteur, et il y a aussi la peur de ne pas être à la hauteur envers soi-même, de ce que l’on espère, de ce que l’on a à dire, de sa liberté, de sa créativité et il y a donc un enjeu intérieur entre soi et soi-même. Il n’y a donc pas que la pression extérieure et l’attente que les autres peuvent avoir.
Le premier single de Brûler le feu, Le Dernier Jour du disco, sonne comme un cri de l’intérieur, mais aussi comme une forme d’urgence de vivre après cette pandémie que nous connaissons…
Complètement. Ce titre est un cri du cœur et je l’ai chanté avec la voix presque criée parfois. Il y a quelque chose de viscéral. J’ai composé cette chanson très rapidement, ce qui est d’ailleurs le signe qu’elle n’attendait qu’à être libérée. Les paroles sont aussi polysémiques car elles parlent de la fin d’un monde, comme de la fin d’un amour, que d’un moment de climax d’une histoire.
Ce titre est très dansant et reflète une facette de l’album, donnant même envie de sortir la boule à facettes. Vous y avez pensé dès le début ?
En fait, j’ai toujours eu le goût du « dancefloor » (elle rit) ! Je crois que cet album a quelque chose de physique dans tous les sens du terme car il est assez sensuel, charnel, mais aussi dansant en effet. Il y a une énergie débordante que je voulais exprimer totalement.
On retrouve d’ailleurs des sensations de fougue, de vitesse sur certains titres, donnant envie même de les écouter en voiture, à une vitesse plus ou moins raisonnable d’ailleurs.
Tant mieux, c’est le meilleur curseur (elle rit). C’est en effet un album « cheveux au vent », il y a quelque chose d’enlevé, un côté cinématographique, les orchestrations sont riches et il y a de réels partis pris. Je n’avais pas envie d’un disque aseptisé, trop bien produit et donc trop commercial. J’ai voulu prendre des risques, parfois même dans l’outrance émotionnelle, car je suis comme ça et je pense que l’on a tous besoin parfois de lâcher les chevaux.
Si je peux produire des chansons aussi poignantes et intéressantes que Véronique Sanson, je m’incline
Le titre incandescent de l’album s’est donc imposé naturellement ?
C’était au début le titre d’une chanson puis au fur et à mesure de la composition de l’album, en prenant du recul sur ce que je disais, je me suis rendu compte que je parlais du feu en permanence, le briquet, les flammes, le rouge… Cette formule, « brûler le feu », est un peu un mantra d’insurrection amoureuse. Il y a quelque chose d’actif dans ce rapport à l’amour et au feu, afin qu’ils soient aussi créateurs que dévastateurs.
Un album dans la lignée du précédent, mais plus affirmé, vocalement aussi, et en particulier sur le titre Le Rouge aux joues. C’était une envie de surprendre ?
Dans mon panthéon de chanteuses extraordinaires, où il y a Mariah Carey, Whitney Houston et même Lana Del Rey dans un genre différent, je rêvais depuis longtemps de faire une espèce de ballade américaine. J’aime ces divas assez décomplexées et j’avais l’impression qu’en français, il est difficile de chanter comme ça, de « viber ». Cette chanson parle de désir, de séduction et je me suis amusée à la faire, et sans me poser aucune question. Pour la petite histoire, je l’ai chantée alors que j’avais une trachéite. Peut-être que paradoxalement, cela a libéré quelque chose.
Vous parlez en effet d’amour, physique notamment, de façon libre. Vous êtes-vous affranchie de certaines barrières ?
Je crois qu’avec l’âge, je me libère et c’est plutôt bon signe. Dans la sensualité, dans le rapport au corps, j’ai pu m’affranchir de plein de complexes et m’épanouir en tant que femme. Tout cela, c’est grâce à la scène mais aussi grâce à la maternité. Accoucher et avoir eu un enfant m’a donné de la force.
Vous faites une jolie métaphore dans L’Épine. L’amour est-il forcément douloureux ?
Oui. L’amour fait mal, pas que, mais il y a toujours une forme de griffure. Quand on rencontre quelqu’un, on est aimanté, on est esclave d’un certain désir et il y a une forme de dépendance qui peut être compliquée à gérer. Quand on est privé de la personne que l’on aime, on peut s’effacer.
Chez vous, l’amour peut aussi être obsessionnel, comme sur Vertigo…
C’est une chanson du vertige amoureux, de la spirale dans laquelle on peut tomber et tourner en rond tout seul, enfermé dans son esprit. Cela m’intéressait de parler de cet aspect obsessionnel que l’amour peut avoir. On peut se perdre dans des labyrinthes.
À travers vos ballades, beaucoup voient en vous, dans votre voix et votre maîtrise du piano, une héritière de Véronique Sanson. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Si je peux produire des chansons aussi poignantes et intéressantes que Véronique Sanson, je m’incline. C’est une des meilleures musiciennes françaises et elle a un niveau de piano extraordinaire. En plus, c’est une femme géniale que j’ai eu la chance de rencontrer. Elle m’a éblouie de force, de générosité et de feu, justement, car sur scène, c’est quelqu’un, elle y joue sa vie quand elle chante, elle ne ronronne pas.
Cette formule, « brûler le feu », est un peu un mantra d’insurrection amoureuse
Tu me play est-il votre déclaration d’amour à celles et ceux qui vous suivent ?
Complètement. C’est une ode au public. J’y raconte qu’en tant qu’artiste, quand on en est privé, on n’est pas grand-chose. C’est le public qui nous met en action, qui nous fait vibrer sur scène, et tout ce que l’on vient de vivre à cause de ce covid nous l’a tellement rappelé.
Votre nouveau single, Qu’importe, prouve que Brûler le feu est un album taillé pour la scène. L’avez-vous projeté dès sa création pour le « live » ?
Quand je l’ai composé, j’ai chanté et dansé comme si j’étais sur scène. J’avais tellement d’énergie à revendre.
Et le sublime Imaginer l’amour, pour une fin de concert, avec les lumières des portables éclairant la salle…
Cela me fait vraiment plaisir. J’ai continué à écrire jusqu’au bout et j’ai composé ce titre l’avant-veille du mastering. J’avais l’impression qu’il manquait une chanson sur le disque. On l’a enregistré à 22 h, en embêtant un peu tout le monde (elle rit). On a masterisé puis le disque est parti en fabrication dans les heures suivantes.
Que préparez-vous pour votre tournée en 2022 ?
Du feu, du feu et du feu. Je suis en répétition avec mes musiciens et nous sommes en train de commencer à monter le « live ». Je commence à avoir un répertoire et c’est vraiment agréable. Ce sera très musical, il y aura huit synthés sur scène, deux pianos… Je vous promets quelque chose d’assez flamboyant.
Nikolas Lenoir