Auto-baptisé « le shérif le plus dur d’Amérique », il a été condamné pour son zèle à traquer les clandestins : Joe Arpaio espère bénéficier d’une grâce présidentielle lors d’un déplacement mardi de Donald Trump dans son comté de l’Arizona.
Les deux hommes sont nés un 14 juin, mais Joe Arpaio affiche au compteur 14 années de plus que le président. Autres points communs : ils sont tous les deux républicains, ont propagé ensemble la fausse rumeur que Barack Obama était né au Kenya et ont bâti leur réputation sur une promesse de lutte impitoyable contre l’immigration illégale.
Né de parents italiens, Joe Arpaio, 85 ans, aurait pu jouer dans un western spaghetti, tourné dans le décor des cactus géants de son État limitrophe du Mexique. Il aurait bien sûr été le Bon, laissant les rôles de la Brute et du Truand à deux Latinos, vu son obsession sur la question. Pendant près d’un quart de siècle, l’homme de loi a en effet incarné un maintien de l’ordre implacable dans le comté de Maricopa où se trouve Phoenix, capitale de l’Arizona.
Sa méthode ? Cibler systématiquement les Hispaniques, à la recherche des clandestins. Une façon d’agir revendiquée par ce fils pourtant d’un couple d’immigrés, mais « légaux », affirme-t-il avec force. Pendant longtemps cette stratégie a payé : élu au poste de shérif pour la première fois en 1992, Joe Arpaio était réélu tous les quatre ans dans un fauteuil. Cherchant en permanence la lumière des projecteurs, ravi d’apparaître dans 200 reportages télévisés par mois, le « shérif Joe » semblait prendre un malin plaisir à susciter les polémiques.
Fier de son « camp de concentration »
Il tirait sa plus grande fierté de la prison qu’il a imaginée, évoquant les camps de prisonniers de la deuxième guerre mondiale : des châlits superposés en métal, alignés sous des tentes kaki entourées de barbelés. Ceci, dans une région où la température dépasse les 45°C en été. Dans ce lieu ouvert courant des années 1990 et qui a attiré l’attention des médias du monde entier, le shérif imposait aux détenus de porter une panoplie rayée de bagnard, ainsi qu’un caleçon rose. Joe Arpaio s’est un jour félicité de ce « camp de concentration », puis a renié ultérieurement cette expression. Il s’est en revanche vanté d’y servir, deux fois par jour, « les repas les moins chers des États-Unis », au coût unitaire de 15 à 40 centimes de dollar. Au menu : des ragoûts souvent végétariens, élaborés à partir des restes normalement promis aux poubelles des collectivités du comté.
Pas étonnant dans ces conditions que le shérif soit devenu la bête noire des organisations de défense des Hispaniques, qui représentent un tiers de la population de l’Arizona. A l’occasion d’une fête mexicaine, un mannequin à son effigie a même été battu en public. En 2007, Joe Arpaio avait compté parmi ses pensionnaires le boxeur Mike Tyson, tombé pour détention de cocaïne. Le shérif avait prévenu que l’ancien champion poids lourds purgerait toute sa peine. « Nous n’hébergeons pas les célébrités pendant 84 minutes, comme ils le font à Hollywood », avait-il déclaré, en référence à une actrice qui avait bénéficié d’un passage éclair derrière les barreaux à Los Angeles.
« Promotion présidentielle officielle du racisme »
Après la réélection en 2012 du président démocrate Barack Obama, Donald Trump et Joe Arpaio ont de plus en plus partagé des convictions communes, notamment sur la nécessité pour le parti républicain d’adopter une posture offensive sur l’immigration. Durant la campagne présidentielle de 2016, le shérif très controversé a apporté publiquement son soutien au milliardaire new-yorkais, qui lui a rendu la politesse pour la campagne du poste de shérif de Maricopa. Mais si Trump a remporté une victoire surprise, Arpaio a lui essuyé une défaite, plombé par l’accumulation d’accusations d’abus et de corruption.
Et, signe que le vent a vraiment tourné pour lui, le shérif Joe a été condamné fin juillet pour avoir violé l’injonction d’un juge fédéral lui interdisant ses patrouilles discriminatoires. Sera-t-il gracié mardi à Phoenix par Donald Trump, qui a confié « envisager sérieusement » d’utiliser pour ce « grand patriote américain » ce recours que lui confère la Constitution ? « Il s’agirait d’une promotion présidentielle officielle du racisme », a averti la grande organisation de défense des libertés, l’ACLU.
Le Quotidien/AFP