L’image valait à elle seule le déplacement : lundi soir, à Wiltz, quelques hippies au long cour avaient ressorti leurs chemises à fleurs et leurs lunettes multicolores pour la venue de Joan Baez.
Pas de combis Volkswagen pour autant mais plutôt des berlines allemandes pour rappeler que le festival de Woodstock a eu lieu il y a cinquante ans et que l’amphithéâtre du château de Wiltz n’a rien d’un champ boueux.
Au contraire, c’est dans l’ambiance policée de la ville du Nord que la reine du folk a commencé son récital, seule avec sa guitare, juste accompagnée par le bruissement des feuillages. Et la doyenne n’a rien perdu de sa superbe, ni de sa gouaille. Après une tranquille mise en bouche, elle servait au public ses premiers mots. «Cela fait plaisir d’être dans un pays progressiste…» Avant de nuancer : «En tout cas, en grande partie.» Rires de la foule qui allait pouvoir accompagner la soprano sur It’s all over Now Baby Blue, de Bob Dylan.
À l’heure où l’homme au chapeau traîne sa déprime de festival en festival, voir sa muse interpréter avec une telle foi ce morceau est une belle leçon d’humilité. Suivait le tube Diamonds and Rust et une nouvelle prise de parole importante pour la militante des droits, avant le titre Deportee, interprété avec le multi-instrumentiste Dirk Powell et le percussionniste Gabriel Harris. «Cette chanson parle de tous ces migrants qui cherchent un endroit où vivre.Je crois que les pays riches doivent les accueillir et s’enrichir de leurs cultures», lançait-elle sous les applaudissements. Joan Baez est la petite-fille d’un migrant mexicain qui avait tout abandonné pour rejoindre les États-Unis au début du siècle dernier. Elle se lançait ensuite, en français, sur Le Temps des cerises, avant de reprendre The House of the Rising Sun, standard folk rendu célèbre par les Animals, dans une version jazzy qui faisait son effet à la tombée de la nuit. Cela faisait déjà une heure et demie que le concert avait commencé et l’instant était choisi pour s’éclipser. Mais un premier rappel ramenait la reine sur scène pour trois nouveaux titres, dont un Gracias a la vida très attendu.
Un nouveau tour par les coulisses avant un ultime rappel qui la voyait entonner Imagine, de John Lennon. Les dernières notes étaient jouées alors que l’orage grondait, donnant à ce concert une saveur toute particulière pour le millier de spectateurs. Ceux-ci n’ont même pas eu l’occasion de regretter l’absence des tubes Here’s to You ou Blowin’ in the Wind dans le set joué lundi soir. L’interminable discographie de Joan Baez réclame nécessairement quelques sacrifices.
Christophe Chohin