Face à l’organisation Etat islamique (EI), qui multiplie les références au Coran, à la tradition prophétique et à la jurisprudence musulmane pour légitimer son jihad sanglant, des experts insistent sur la nécessité, mais aussi les limites, d’un contre-discours théologique.
Dans le dernier numéro (n°8) de Dar al-islam, sa revue de propagande en français, le groupe EI consacre pas moins d’une trentaine de pages à défendre la « légitimité islamique » des attentats du 13 novembre, qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis.
Le califat autoproclamé ne se contente pas des noms d’oiseaux habituels contre un spectre large de voix musulmanes, du « moderniste de la mécréance » Tareq Oubrou à « l’imam-serpillère de Brest Rachid Abou Houdeyfa » en passant par « l’islamologue apostat Tariq Ramadan ».
Dans une langue percutante, il tente d’administrer une leçon théologique aux « pseudo-représentants de l’islam de France » – notamment le Conseil français du culte musulman (CFCM) -, accusés d’être « à des années-lumière de l’héritage scientifique des grandes figures de la jurisprudence islamique ».
« Le problème c’est que, pendant très longtemps, les gens ont dénié à Daech (acronyme de l’EI) le droit de se réclamer de l’islam. Personnellement je n’ai cessé de dire qu’ils allaient puiser dans les sources scripturaires », explique l’islamologue Rachid Benzine.
Selon ce spécialiste, « on a l’impression de se trouver face à des idéologues très bien formés, vraisemblablement dans les universités saoudiennes, qui connaissent les principales références des différents rites, même si manifestement leur préférence va à l’école wahhabite, celle d’Ibn Abdelwahhab, et à ses devanciers Ibn Taymiyya et Ibn Qayyim al-Jawziyya ». Soit les pères du salafisme, dont le jihadisme constitue une dérive violente.
Mohammed Chirani, qui a créé le buzz et a été menacé après avoir riposté en arabe à l’EI sur un plateau de télévision, développe un programme de vidéos sur internet intitulé « Parle-moi d’islam ». Selon ce consultant, « dénoncer l’imposture » jihadiste constitue « une obligation religieuse, un devoir de foi », car « ce qu’ils font est une fitna », une source de division dans la oumma, la communauté des croyants.
Pour lui, les propagandistes du groupe EI « ont un recours excessif à des dires du Prophète (hadiths) non authentiques et à des savants ayant vécu dans un contexte très différent du nôtre ».
Mais il leur reconnaît « un point fort »: « la simplicité et l’accessibilité de leur argumentaire, qui répond au désir de rupture de certains jeunes, et est très bien ficelé sur l’allégeance à la terre d’islam (dar al-islam) contre la terre de mécréance (ou de guerre, dar al-harb), qui n’existent pourtant pas dans le Coran ».
Pour un théologien réformateur préférant garder l’anonymat, un effort de contextualisation et d’interprétation est indispensable, à mille lieues de « l’esprit de torsion des textes » qui est celui de Daech, comme l’était celui des khawarij », considérés comme les premiers dissidents de l’islam, adeptes de l’excommunication.
Faut-il produire un contre-discours théologique? « C’est indispensable, mais pas à leur endroit: quand on est atteint de cette maladie-là on n’en guérit jamais. Mais leur discours peut trouver une oreille réceptive chez quelqu’un qui ne serait pas formé », estime cet imam. « Il faut, poursuit-il, produire un discours qui renouvelle ces données de manière à ce que plus personne n’avance des thèses d’il y a 1.400 ans », au temps des « meilleures générations » de musulmans dont le groupe EI se réclame.
Selon ce théologien, une telle riposte diffusée « au niveau de la France seule n’aurait pas de sens: c’est un combat mondial ». Les réponses internationales existent, telle cette longue lettre de réfutation des thèses du groupe EI signée par 126 érudits dès l’automne 2014. « Mais ces contre-discours de savants sont très intellectuels, complexes, et rarement disséminés massivement, alors que Daech a bien d’autres moyens de propagande que l’écrit, des sites vidéos, des comptes Twitter », déplore Mohammed Chirani.
Selon Rachid Benzine, pour l’heure, « la réponse des instances musulmanes officielles est totalement indigente ».
« A un fragment de verset décontextualisé ou porteur de violence intemporelle ou virtuelle, on opposera en vain un fragment contraire sans que cela permette de revenir à l’humanité de l’islam », dit-il. Moins d' »idéologie », plus de « connaissances historiques »: tel est son credo.
Le Quotidien / AFP
Ce qu’ils ne savent pas, c’est que toute cette violence sanglante mise en scène médiatique est en train d’ouvrir le champ à la réflexion des musulmans « non violents ». Une vague de désertification des bancs de « l’islamoformation » est en train de se produire. Ce mouvement d’opposition fait converger des milliers de personnes vers des religions plus « humanistes » comme le christiannisme et ses dérivés (protestantisme..).
Le temps des mozarabes, moros et autres appellations est en train de resurgir!
Ces groupes agissent, peut-être dans l’ombre, mais les vrais croyants recherchent la lumière. Ceci dit, il ne faut pas faire d’amalgames, car il existe des pays musulmans qui protègent les autres cultes avec lesquels ils ont des négoces importants et déterminants pour l’équilibre de leurs sociétés.