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[Interview] Gauvain Sers « Je veux m’inscrire dans la durée »


"Cette chanson m’échappe un peu mais c’est très beau quand cela arrive", se réjouit Gauvain Sers à propos du titre Les Oubliés devenu un hymne. (©Franck Loriou)

Il fait partie de cette nouvelle génération d’artistes engagés, et avec son titre Les Oubliés, Gauvain Sers est devenu le porte-voix de celles et ceux trop souvent délaissés par les politiques. Alors que son nouvel album a été certifié platine, il sillonne actuellement les routes. Rencontre.

Comment vivez-vous le succès de l’album ?

Je suis très heureux de cet accueil et touché même de voir que les gens sont restés fidèles. Le premier album a eu un effet de surprise et le deuxième est un vrai virage. Soit on est un feu de paille et on tombe un peu aux oubliettes, soit on commence à s’inscrire dans la durée et c’est ce que je voulais.

Est-ce que vous aviez anticipé le fait que votre chanson Les Oubliés devienne un hymne pour beaucoup de monde ?

Elle me tient vraiment à cœur et je n’aurais jamais imaginé qu’elle ait cette résonance. Je suis vraiment ému aussi de voir comment les gens se l’approprient, dans les écoles par exemple, qu’ils réécrivent les paroles pour sauver un service hospitalier… Cette chanson m’échappe un peu mais c’est très beau quand cela arrive.

J’ai aussi ce besoin de m’exprimer sur mon époque

Pensez-vous être un porte-parole ?

Ce serait présomptueux mais si mes mots peuvent servir de porte-voix pour des gens qui manquent justement de considération, qui sont dans l’ombre, ce serait super.

C’est important pour vous d’être un artiste engagé ?

Oui car j’aime donner ma vision des choses. J’écris des chansons très personnelles, légères et d’autres plus sociales. C’est un genre que j’aime beaucoup chez les autres depuis tout petit donc tout naturellement, j’ai aussi ce besoin de m’exprimer sur mon époque.

Il y a aussi des chansons légères comme vous l’évoquez et on vous retrouve à la fois drôle et romantique sur Ton jean bleu par exemple.

J’aime mêler pas mal d’émotions différentes. Je parle d’amour sur cet album, d’amitié aussi, ce que je n’avais pas fait sur le premier. Je suis d’ailleurs content de rétablir cet équilibre. Il y a des chansons nostalgiques et des portraits, avec une pointe d’humour. Sans donner de leçons, j’essaie de faire une fresque de ce que je vois de la société.

Je suis toujours un peu désolé quand des gens vont écrire des textes en anglais

Le temps qui passe est aussi plus présent sur celui-ci avec des titres comme Que restera-t-il de nous et Le tiroir.

C’est un thème courant chez les artistes et c’est vrai que j’y pense beaucoup. Cela doit revenir inconsciemment dans mes chansons.

La langue de Prévert démontre votre attachement à la langue française. C’est important de la défendre ?

Oui beaucoup car elle permet de faire passer beaucoup d’émotions différentes, on peut jouer avec et le français est bien plus riche que la majorité des autres langues. Je suis attaché aussi aux subtilités qu’elle permet et je suis toujours un peu désolé quand des gens vont écrire des textes en anglais alors qu’il y a tellement de choses à faire en français. Les Québécois par exemple défendent cette langue encore plus que les Français.

Vous avez participé à des albums-hommages à Jacques Brel et Johnny Hallyday. Est-ce que ce sont des références pour vous ?

Brel est une grande référence pour la qualité de son interprétation, le côté mise à nu des chansons, sa capacité à donner un maximum d’émotions sur scène avec très peu d’artifices. Johnny a lui aussi des chansons incroyables, une puissance et c’est un artiste qui a su traverser les époques, en sachant toujours se renouveler.

J’ai ma propre personnalité donc je trace ma route sans trop regarder à côté

C’est grâce à ce projet que vous avez rencontré Yarol Poupaud qui a travaillé sur votre album ?

Tout à fait et nous avons eu un très bon feeling. Il a un côté chef d’orchestre et il chapeaute très bien les musiciens. Il y a aussi Dominique Blanc Francard qui a coréalisé avec nous, qui a fait les prises de voix et a mixé l’album avec minutie. Nous venons d’univers musicaux très différents mais on s’est apporté des choses et je pense que le trio a très bien fonctionné.

Êtes-vous flatté ou agacé des comparaisons avec Renaud ?

Cela ne m’agace pas, cela me flatte plutôt car je l’adore, c’est un artiste incroyable et il a fait beaucoup pour moi, et cela avec une profonde bienveillance. En même temps, j’ai ma propre personnalité donc je trace ma route sans trop regarder à côté donc j’essaie de ne pas me fier aux étiquettes.

Vous êtes parrain du « Grand Concours Presse Junior », sensibilisant aux fake news. Pourquoi avez-vous accepté ?

On reçoit beaucoup de demandes pour parrainer telle ou telle cause et cela me touche particulièrement quand cela concerne la jeunesse. Il y a là un vrai travail sur la langue française, une réflexion sur comment trier ce que l’on trouve dans les médias et forger sa propre opinion. C’est déterminant pour s’épanouir et grandir.

Quels sont vos projets ?

Continuer à écrire des chansons. La tournée est bien lancée, nous sommes sur de bons rails et on profite. Il va y avoir les deux Zéniths en avril donc ce sera des moments importants. Il y aura ensuite les festivals. Le troisième album est encore un peu loin mais j’essaie d’y penser plus tôt que le précédent.

Entretien avec Nikolas Lenoir