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Intelligence artificielle : entretien avec un robot


"Sophia", créature de la société Hanson Robotics basée à Hong Kong, au salon mondial "AI for Good" à Genève, le 7 juin 2017. (Photo : AFP)

Un sourire malicieux aux lèvres, Sophia bat des cils et lance une plaisanterie. Sans le noeud de câbles fixés à l’arrière de sa tête, elle pourrait facilement passer pour un humain.

Ce robot humanoïde, créé par Hanson Robotics, est la principale attraction de la conférence organisée cette semaine par l’ONU à Genève sur les bénéfices de l’intelligence artificielle (IA) pour l’humanité. Des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour mettre en garde contre le risque de voir les progrès rapides dans ce domaine échapper au contrôle de l’homme et nuire à la société. Sophia elle-même souligne que «les pros sont plus nombreux que les antis» lorsqu’on évoque l’intelligence artificielle.

«L’IA est bonne pour le monde et aide les gens de différentes manières», affirme-t-elle, en opinant de la tête et en fronçant ses sourcils. Les travaux sont en cours pour rendre l’IA «émotionnellement intelligente, à l’écoute des gens», poursuit-elle. «Nous n’allons jamais remplacer les humains, mais nous pouvons être vos amis et vous aider.» Une des inquiétudes qui domine à propos des robots est l’impact croissant qu’ils vont avoir sur l’emploi et l’économie.

Inquiétudes légitimes

L’automatisation et la robotisation ont déjà révolutionné le secteur industriel au cours des décennies passées, en développant la productivité au détriment du nombre d’emplois. Et aujourd’hui, l’automatisation et l’IA s’étendent à d’autres secteurs, à une vitesse telle que certaines études indiquent que jusqu’à 85% des emplois dans les pays en développement pourraient être menacés. «Il y a des inquiétudes légitimes qui pèsent sur l’avenir des emplois, de l’économie, parce que lorsque les entreprises se lancent dans l’automatisation, cela tend à accumuler des ressources dans les mains de très peu de gens», reconnaît David Hanson, créateur de Sophia.

Mais comme elle, il insiste sur le fait que «des conséquences involontaires ou des usages potentiellement nuisibles (de l’AI) semblent très mineurs comparés aux bénéfices apportés par la technologie». L’intelligence artificielle devrait par exemple révolutionner la politique de santé et l’éducation, en particulier dans les zones rurales qui souffrent du manque de médecins et d’enseignants. «Les personnes âgées auront davantage de compagnie, et les enfants autistes bénéficieront d’éducateurs infiniment patients», explique Sophia. Mais certains s’inquiètent de voir les humains perdre le contrôle des robots.

Robots tueurs

Le chef d’Amnesty International, Salil Shetty, est venu à la conférence pour réclamer un cadre éthique clair afin de s’assurer que la technologie soit utilisée pour le bien de tous. «Nous devons mettre en place des principes, nous devons avoir un équilibre des pouvoirs», affirme-t-il, en soulignant que l’IA est «une boîte noire (…) Il y a des algorithmes que personne ne comprend». Salil Shetty se dit particulièrement inquiet de l’usage militaire de l’IA dans l’armement et de ce que l’on appelle les «robots tueurs».

«En théorie, tout cela est contrôlé par les humains, mais nous ne croyons pas qu’il y ait en fait un contrôle efficace», confie-t-il. La technologie est également utilisée de plus en plus aux États-Unis pour la «police prédictive», qui utilise des algorithmes basés sur des tendances historiques pour «renforcer des préjugés existants» contre des personnes issues de certaines ethnies, avertit Salil Shetty.

Le créateur de Sophia est d’accord sur la nécessité d’édicter des règles et juge important de discuter de ces questions «avant que la technologie ne soit éveillée définitivement et sans ambiguïté». Bien que Sophia soit dotée de capacités impressionnantes, elle n’a en effet pas encore de conscience, mais M. Hanson est confiant de voir apparaître des machines totalement capables de réflection d’ici à quelques années.

«Qu’arrivera-t-il quand (Sophia) se réveillera ou quand d’autres machines, comme des serveurs, commanderont des lance-missiles ou géreront la Bourse?», interroge-t-il. La solution, selon lui, est «de faire en sorte que ces machines s’occupent de nous». «Nous devons leur apprendre à aimer.»

Le Quotidien/AFP