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[Insolite] Champagne : l’expérience musicale


De raffinement en raffinement, on peut atteindre des sommets du goût ! (Photo : AFP).

Dans une ambiance feutrée des mythiques studios Ferber à Paris, on boit un champagne les yeux fermés en écoutant une symphonie qui lui est dédiée: 191 voix correspondent au nombre des vins qui le composent.

Le summum du luxe, les dégustations musicales se multiplient, s’ajoutant aux classiques accords mets-vins. Faut-il vraiment cette organisation si compliquée pour boire du champagne?

« C’est tout à fait soutenu », explique Olivier Krug, sixième génération et directeur de la maison de champagne Krug qui a travaillé les cinq dernières années avec le professeur d’Oxford Charles Pence sur les connexions entre la musique et le goût ainsi qu’avec l’Ircam (Institut de Recherche et de Coordination Acoustique – Musique) afin de composer différentes partitions accordant l’ouïe, l’odorat et le goût.

Cette année, il a choisi à présenter la 167e édition de la grande cuvée en dégustation accompagnée d’une « symphonie immersive » composée par le Belge Ozark Henry qui s’est déroulée aux studios Ferber à Paris avant Séoul, Londres, Los Angeles, Tokyo, Milan, Hambourg et Gstaad.

« La musique enrichit l’expérience, la mémoire la plus profonde c’est le son », souligne pour sa part Ozark Henry qui a passé des heures dans la cave de Krug en dégustant et « écoutant » le champagne.

Chair de poule

Assis dans une pièce à la lumière tamisée où aucun son ne pénètre, on commence à boire du champagne, puis on reprend une gorgée lorsqu’il met la musique.

« J’en avais la chair de poule », confie Anne-Catherine Desdouits qui a offert cette dégustation à sa fille à l’occasion des ses 18 ans. « J’ai ressenti à la fois de la profondeur et de la légèreté, et cette scintillance, le tout dans une harmonie assez céleste ». « C’est comme une oeuvre d’art », raconte sa fille, Colombe.

Selon Olivier Krug, scientifiquement la musique « permet de révéler des facettes aromatiques qu’on n’aurait pas sans la musique ». « On est en train de mettre le doigt sur un univers qui dépasse de loin le champagne qui ouvre la porte à la science et à la santé ».

Pour Eric Beaumard, sommelier et directeur du restaurant le Cinq, associer champagne et musique « amène une autre dimension dans le plaisir ». Inspiré par une expérience qu’il a eue avec des musiciens de l’Opéra de Lyon qui dégustaient des vins et composaient des morceaux en fonction de leurs sensations gustatives, il a conçu un dîner de gala au palace George V comme une « symphonie de saveurs ».

Vins et champagne choisis ont été sublimés par les créations du chef triplement étoilé Christian Le Squer, le tout servi au rythme d’une partition jouée par un pianiste pour chacun de ces accords. « Le champagne c’est aérien, extrêmement évasif, une texture qui appelle à l’ouverture, la bulle, cela invite à la musique tout de suite », explique le sommelier.

Pour Charles Philipponnat, PDG de la maison de champagne Philipponnat, « il ne faut pas en faire trop, sinon on s’y perd. Mais de la belle musique classique dans une chapelle romane, des vins qui correspondent à cette ambiance, c’est une chose merveilleuse ».

Réconcilier les passions

A Festigny, le couple Loriot pousse l’expérience encore plus loin en faisant vieillir leurs champagnes en musique: après la mise en bouteille lorsque les levures sont très actives, ils sont accompagnés de la Symphonie Pastorale de Beethoven. Wagner en revanche est à proscrire: avec les sons trop forts, sa musique pourrait bloquer la fermentation.

Les ancêtres de Michel Loriot étaient musiciens, mais son père a dû ranger les instruments pour travailler la vigne. Mélomane, Michel a réconcilié les deux passions familiales: depuis huit ans il diffuse du Mozart, Vivaldi, Beethoven, Brahms ou Tchaïkovski 24 heures sur 24 dans les caves.

Impossible de prouver scientifiquement l’effet de la musique sur le goût du champagne, mais pour le vigneron qui traite son champagne comme un être vivant, il s’agit d’une « intime conviction ». « La musique, cela me fait du bien, cela ne peut faire que du bien à mes champagnes! », s’exclame Martine Loriot.

Apollonis a fait une dégustation musicale sur « une cuvée Meunier assez fruitée et ronde » qui a permis d’éprouver « des sensations totalement différentes en fonction du style de la musique ». « Quand on a un jazz très cool, on a un bon ressenti de la cuvée et avec quelque chose qui soit plus rock avec beaucoup de guitare électrique, on arrive à augmenter le ressenti acide ».

AFP