« T’as voulu voir Vesoul, Et on a vu Vesoul » : cinquante ans après, le refrain obsédant enregistré le 23 septembre 1968 par Jacques Brel dans un studio parisien colle toujours à la peau de la petite cité franc-comtoise.
« Personne n’est foutu de situer Vesoul sur une carte mais tout le monde connaît la chanson », note Denis Roll, ancien adjoint à la Culture de la ville. Venu de Belfort, un peu plus à l’est, il a rejoint la préfecture de Haute-Saône en 1968 justement et se souvient : « C’est là que j’ai découvert Brel, la chanson. Elle a donné un coup de projecteur sur la ville ».
En haut de la rue Alsace-Lorraine, Michel Mercet confirme : « Du moment qu’on parle de Vesoul, en positif ou en négatif, ça fait toujours du bien. Vesoul est connue dans le monde entier grâce à Brel ». Pour preuve, le coiffeur barbu au look travaillé de rockeur raconte : « J’étais à Cuba en 1992. J’ai rencontré un Canadien sur une plage. Il m’a demandé d’où je venais. Quand j’ai dis Vesoul, il a dis : ah oui, t’as voulu voir Vesoul et on a vu Vesoul ! »
La notoriété internationale de la préfecture de Haute-Saône se vérifie à la Maison du tourisme où Chloé Didiot accueille de nombreux Néerlandais, Allemands et Belges : « On nous en parle tout le temps ! » « Ça serait bien d’organiser plus de choses autour de Brel, de la chanson… Les commerçants le demandent. Comme de mettre des paroles sur les vitrines mais ça reste un projet », poursuit la souriante hôtesse.
Une nuit, chambre 246…
Jacques Brel a laissé son empreinte sur Vesoul et ses 15 000 âmes : une place, un collège, un buste en bronze inauguré en 2016 dans un coin du théâtre Edwige-Feuillère et un festival de musique qui porte son nom. « Il faudrait un peu faire vivre Jacques Brel là-dedans », suggère la patronne du Grand hôtel du Nord, Brigitte Maspla, en montrant l’affiche de l’événement sur laquelle ne figure ni portrait du chanteur, ni hommage aux 50 ans de Vesoul.
Au bar de l’établissement, le Grand Jacques est bien là, sur la fameuse photo de Jean-Pierre Lenoir le montrant en compagnie de Georges Brassens et Léo Ferré. A ses clients, Brigitte Maspla raconte volontiers « l’histoire et la légende ». C’était en 1967. « Il est tombé en panne de voiture et en attendant qu’elle soit réparée, il a passé une nuit ici, dans notre chambre 246. »
C’est lors de cette halte forcée que le chanteur se serait souvenu d’une promesse faite lors d’un précédent passage à Vesoul, à la Bonne Auberge, tenue à l’époque par les parents de Danièle Deroulede Kielwasser. « En novembre 61, j’avais 19 ans et je le vois encore, il a mangé le midi et il a beaucoup parlé avec mes parents. Il a dit à ma maman : j’ai tellement apprécié qu’un jour, j’écrirai une chanson sur Vesoul ». Avant de signer le livre d’or conservé précieusement : « Avec ma plus gentille chanson, très sincèrement, J. Brel ».
Promesse tenue huit ans plus tard, le 23 septembre 1968, raconte Eddy Przybylski dans une biographie du chanteur (La valse à mille rêves, chez L’Archipel).
LQ/AFP