À Montréal, alors que l’hiver sévit et que le froid mord, l’Igloofest célèbre depuis quinze ans la musique électronique en plein air, devant des milliers de personnes en combinaison de ski. Un festival où l’on mixe et danse avec des moufles.
Au rythme de la techno, une petite foule de danseurs vêtus comme pour une expédition polaire s’amuse en scintillant sous les stroboscopes. Malgré les flocons qui tombent sur le Vieux-Port de Montréal, rien ne semble arrêter les danseurs emportés par la musique électronique. Car après deux ans d’interruption, ils fêtent le retour de l’Igloofest. Combinaisons multicolores sur le dos, bonnets sur la tête et vin chaud à la main, les festivaliers sont venus en nombre pour la reprise de cet événement après deux années de pause en raison de la crise sanitaire.
Alors, pour eux, peu importe les températures négatives. «L’ambiance est vraiment cool, on a l’impression d’être en boîte de nuit. C’est à faire au moins une fois dans sa vie! Au début, on a un peu froid, mais on danse, donc on oublie», confie Laurent Maurenas, un Français de 34 ans installé au Québec. «Pour moi, l’Igloofest, c’est Montréal, et Montréal, c’est mon grand amour», lance pour sa part Zoë Charbonneau, 29 ans, qui assiste pour la treizième fois au festival. «L’Igloofest, c’est l’événement fort de ma ville et j’en suis fière», glisse-t-elle encore sans cesser de danser.
Pour cette 15e édition qui se déroule en fin de semaine pendant un mois (jusqu’au 5 février), quelque 85 000 places ont été vendues, un record. Pour Nicolas Cournoyer, le cofondateur du festival, c’est le signe que les gens ont besoin de sortir : «C’est thérapeutique de se retrouver tous ensemble.» «Quand on a démarré l’Igloofest, c’était pour que les gens sortent dehors, arrêtent de se plaindre de l’hiver et aient du plaisir», explique ce fan de musique électronique de 50 ans.
C’est à faire au moins une fois dans sa vie!
Ainsi, à ses débuts, le festival de la métropole québécoise attirait seulement 2 000 personnes – les plus courageuses – pendant un week-end, mais ce fut assez prometteur pour porter sa durée à deux week-ends dès la saison suivante, puis à trois l’année d’après. «Quand on a commencé à entendre que les gens avaient hâte d’être en hiver parce que l’Igloofest arrivait, on s’est dit qu’on avait rempli notre mission», dit-il fièrement.
«Dans n’importe quel festival, les gens arrivent avec un esprit festif, mais à l’Igloofest, c’est encore plus que ça!», estime Heidy P., DJ canadienne sur scène en milieu de semaine pour une soirée à guichets fermés. «Dès qu’ils arrivent, ils commencent à danser pour se garder au chaud. Et pour venir ici malgré la météo, c’est qu’ils en ont vraiment envie. La participation des gens est vraiment top. C’est génial à voir!», s’enthousiasme-t-elle.
Au point que le festival, comme on le reconnaît sur place, est devenu un lieu par lequel il faut absolument passer. Le mot est même passé : plus il fait froid, plus les gens le prennent comme un défi à relever! D’ailleurs, un visiteur sur quatre vient de l’extérieur de Montréal, dont de nombreux Américains du nord des États-Unis qui font le déplacement spécialement, tout comme des Européens ou des hispanophones du sud.
Un constat qui revient souvent dans les commentaires des différents DJs, affirme encore Nicolas Cournoyer. «Montréal est un excellent public. L’interaction entre les artistes et les spectateurs est forte.» Triple couche de vêtements, chaussettes de rechange, shooter d’alcool fort ou encore raclette : toutes les méthodes sont bonnes pour ne pas avoir froid. La meilleure, selon Xavier Gagnon, âgé de 22 ans : porter la vieille veste de ski rose fluorescent de sa mère.
Montréal est connue pour ses nombreux festivals qui animent les rues et les parcs de la métropole francophone pendant toute la période estivale. En décembre 2021, 60 000 billets avaient été vendus pour l’Igloofest. Mais au final, la province avait été reconfinée pour plusieurs semaines devant l’avancée du variant Omicron, gelant la reprise de la vie culturelle.
À quelques pas de la scène, de grands feux ont été allumés pour réchauffer les danseurs, mais aussi faire griller de la guimauve. Un peu plus loin, des jeunes dévalent des toboggans, éclairés par les lumières crépitantes. Cette ambiance chaleureuse a convaincu Armelle Milin-Yvinec, qui sourit de se penser «la plus âgée du festival». «Je trouve ça génial. J’accompagne ma fille et on s’éclate!», s’exclame-t-elle tout sourire.