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Hundertwasser, le visionnaire qui attire les foules


Les travaux, d'une durée de neuf mois pour un coût de 3,5 millions d'euros, ont permis de moderniser les lieux. (Photo : afp)

Le Kunst Haus de Vienne, qui abrite la plus grande collection au monde de l’artiste autrichien, vient de rouvrir ses portes. L’occasion de découvrir son œuvre picturale aux formes organiques et aux couleurs vibrantes.

Son musée viennois vient de rouvrir, doté des dernières normes environnementales, comme il l’aurait voulu. L’artiste autrichien Friedensreich Hundertwasser (1928-2000), pionnier de l’écologie, séduit toujours autant un quart de siècle après sa mort avec ses fantasques bâtiments colorés. C’est lui-même qui avait supervisé l’ouverture de cet espace en 1991.

Ancienne fabrique abandonnée, «il l’a transformée, selon ses idéaux esthétiques, pour en faire une pièce d’art unique», explique le commissaire Andreas Hirsch, à l’occasion de l’inauguration de la nouvelle exposition permanente. Les «arbres locataires» sortant de la façade, les fenêtres tordues comme si elles «dansaient», le sol cabossé, les mosaïques… Le bâtiment concentre l’ensemble des éléments chers à cet ennemi de la ligne droite, qui s’était fendu d’un manifeste contre le «rationalisme» en architecture.

Se voulant un «médecin» réparant les bâtiments «malades» dans un souci d’harmonie avec la nature, Friedensreich Hundertwasser logeait tout en haut, dans un appartement au toit végétalisé, quand il venait à Vienne. Présenté comme «le premier musée écologique» d’Autriche, le Kunst Haus Wien se devait d’être à la hauteur de sa réputation, souligne sa directrice Gerlinde Riedl, chemisier d’un vert éclatant de circonstance. Finies les énergies fossiles, il fonctionne désormais uniquement avec un système hydrothermique, alimenté par un puits construit dans la cour qui sert aussi à arroser les 260 espèces de plantes peuplant l’espace.

C’était un penseur à part

Les travaux, d’une durée de neuf mois pour un coût de 3,5 millions d’euros, ont permis de moderniser les lieux, qui offrent un saisissant contraste avec les pompeux palais du centre historique de l’ancienne capitale des Habsbourg. Le musée intimiste, «l’un des sites les plus extraordinaires de Vienne» selon sa responsable, table sur une hausse de la fréquentation avec sa rénovation, au-delà de 100 000 visiteurs annuels.

Car en son sein, il y a «la plus grande collection d’œuvres de Hundertwasser au monde» : 170 au total sont exposées, pour le plus grand bonheur du public adepte des décors insolites «instagrammables». La Maison Hundertwasser, complexe HLM situé à 200 mètres de là, attire, elle, foule de touristes, même si on ne peut la contempler que de l’extérieur. Un million débarquent par bus chaque année.

Né à Vienne d’une mère juive, Friedrich Stowasser – qui se rebaptisera plus tard Friedensreich Hundertwasser («Royaume de la paix aux cent eaux») – survit dans des conditions difficiles à la guerre. Il perd 69 membres de sa famille dans l’Holocauste. Une tragédie contrastant avec l’explosion de vie qui caractérise son art dans une démarche ayant «l’ambition de réaliser quelque chose de grand», raconte Andreas Hirsch, auteur de deux ouvrages sur le visionnaire artiste. Reconnu à sa mort dans le monde entier et désormais coté tout en restant abordable, ce grand voyageur, parfois comparé à l’Espagnol Antoni Gaudi, aura réalisé plus de 30 projets architecturaux, d’incinérateurs en bains thermaux, du Japon à la Nouvelle-Zélande.

Écolo avant l’heure

D’abord peintre aimant peupler ses tableaux de spirales, il n’entrait dans aucune case. «C’était un penseur à part» qui avait en horreur l’uniformité et portait des chaussettes dépareillées, un provocateur «obstiné aux conceptions écologiques très exigeantes dès les années 1950», souligne l’expert. Tout jeune, il prônait déjà le recyclage, était «très fier de pouvoir se contenter d’une petite ration de nourriture pour tout un mois» bien avant les débats sur la décroissance.

Il avait aussi conçu des «WC-humus», toilettes sèches à compost pour ne pas gaspiller l’eau et transformer les excréments «en or» nourrissant le sol. Un destin hors du commun qui s’est achevé en 2000 en plein océan Pacifique : le septuagénaire barbu coiffé d’un éternel béret meurt d’une crise cardiaque à bord du paquebot Queen Elizabeth II. Il repose aujourd’hui au pied d’un tulipier planté par ses soins, sur sa terre d’adoption néo-zélandaise.

www.kunsthauswien.com