Le 15 novembre dernier, le monde de la photo pleurait la disparition d’un de ses grands acteurs, Lucien Clergue. La galerie Clairefontaine lui rend un hommage.
C’est sous les ailes bienveillantes de Picasso et Cocteau (photo) que Lucien Clergue réussira à sortir de l’anonymat à ses débuts. (Photos : Lucien Clergue)
Si le nom de Lucien Clergue ne résonne pas aux oreilles du grand public comme pourrait le faire celui d’un Henri Cartier-Bresson ou d’un Robert Doisneau, il était cependant l’un des plus importants photographes français de sa génération, pas seulement pour ses œuvres photographiques, mais aussi pour son engagement dans cette pratique qu’il a dressée au rang d’art. Comme beaucoup de photographes de son époque, c’est un peu par hasard qu’il est arrivé à la photographie et c’est par lui-même qu’il a appris les rouages du métier et du secteur. Il a toutefois reçu un petit coup de pouce de la part de deux grands noms du monde de l’art… Il a en effet profité de l’amour des corridas du célèbre Pablo Picasso pour lui mettre sous le nez, lors d’une de ses nombreuses venues à Arles, ses travaux photographiques.
« C’était un merveilleux orateur, il avait l’art et la manière de raconter ses histoires mais aussi de convaincre avec ses discours. Il était socialement très intelligent, c’est ce qui lui a permis d’être pris sous l’aile de Picasso et Cocteau alors qu’il était encore très jeune », explique Marita Ruiter, directrice de la galerie Clairefontaine. C’est donc avec ces deux grands maîtres qu’il a fait école et qu’il a été propulsé dans le monde de la photographie avec les célèbres portraits de ces deux-là.
> La photographie comme art
Si Lucien Clergue est par la suite resté bien discret, c’est qu’il a choisi de ne jamais quitter sa petite ville d’Arles pour rejoindre Paris ou New York, alors grandes capitales de la photographie. C’est qu’il l’aimait sa petite commune, chef-lieu de la Camargue, et si lui ne l’aurait jamais quitté pour le monde de la photographie, il a fait venir le monde de la photographie à lui en créant le célèbre festival Les Rencontres d’Arles en 1969.
« Le festival des Rencontres d’Arles est un des tout premiers festivals de photographie au monde, il est devenu une véritable référence pour tous les autres festivals du monde. Il a su montrer au monde que la photographie, en plus d’être une véritable pratique artistique, pouvait venir à lui, au cœur de la Provence. Il a mis la ville d’Arles sur la carte du monde artistique », ajoute Marita Ruiter.
Ce festival était aussi un pas de géant dans la reconnaissance de la photographie en tant qu’art consacré, qu’il arrivera à faire inscrire par le ministère de la Culture français comme tel et ainsi permettra la création de l’École nationale supérieure de la photographie en 1982, toujours à quelques pas de « ses » arènes. Son combat a atteint son apogée lorsqu’il a été le premier photographe élu membre de l’Académie des beaux-arts de l’Institut de France en 2006, à l’occasion de la création d’une toute nouvelle section consacrée à la photographie.
« Il était tellement fier de cette nomination. Comme il était extrêmement simple, c’était incroyable pour lui. Il adorait montrer sa photo dans son costume d’académicien, comme s’il s’agissait d’une blague. Mais non, il a vraiment fait bougé les choses durant toute sa carrière, c’était largement mérité », raconte la directrice de la galerie. Il laissera derrière lui aussi ses nus zébrés, dernière série qu’il a réalisée et que l’on peut découvrir ou redécouvrir à Luxembourg. On y voit à la fois un magnifique hommage aux surréalistes, mais aussi à la photographie même qui vient inscrire, sur le papier sensible, sa trace dans l’éternité.
De notre collaboratrice Mylène Carrière
Galerie Clairefontaine (Espace 1) – Luxembourg.
Jusqu’au 28 février.
Lundi 23 février : Visite guidée – Rencontre avec la fille de Lucien, Anne Clergue (horaire à confirmer).