Offrir au public un récit captivant et lui faire aimer la peinture avec humour : c’est le pari réussi d’Hector Obalk, historien et critique d’art de 63 ans, désormais tête d’affiche d’un «one man show» à succès.
Spectacle en musique et en images constamment renouvelé grâce à des histoires de peintres et de tableaux différentes, Toute l’histoire de la peinture en moins de deux heures a conquis d’innombrables adeptes depuis sa création à Paris, en 2019. «Ce n’est pas une idée, c’est toute ma vie! », affirme Hector Obalk, qui occupe tous les lundis la scène du théâtre Le 13e Art, place d’Italie.
Ce passionné, né Éric Walter en 1960, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), d’une mère linguiste et d’un père agrégé de physique et de chimie, a décidé de se lancer un défi : «Que le public reparte avec une sensibilité à la peinture qu’il n’avait pas en arrivant.» Fort de son expérience professionnelle de plusieurs décennies en tant que critique d’art et auteur de documentaires sur la peinture occidentale pour la télévision, ce pince-sans-rire débonnaire se fend d’un regard faussement blasé derrière ses lunettes, et la pipe au bec.
Dans la salle de spectacle, un millier de tableaux miniatures, retraçant des siècles d’histoire, sont projetés façon mosaïque sur grand écran. Puisant dans ce «mur d’images», Hector Obalk «zoome» sur quelques tableaux qu’il décrit simplement, avec précision et un vocabulaire courant et décalé, car «on ne retient rien si on ne les regarde pas en détail», souligne-t-il.
C’est ce «sens du détail» allié à sa «drôlerie» et son «travail acharné, sans jamais verser dans un perfectionnisme ennuyeux» qui a séduit Morwenn Augrand, chargé, avec deux autres coéquipiers, de filmer et fabriquer les images et la base de données du spectacle. «Je rêvais de travailler avec lui et ça s’est réalisé. Je n’ai pas fait les Beaux-Arts, mais j’ai fait « l’école Obalk » et c’est formidable», confie cet ingénieur, également peintre.
Est-ce qu’on peut tout résumer sans être superficiel ? C’était ça le challenge
Après «Léonard, Caravage, Chardin, etc.» dans le parcours A, «Raphaël, Velásquez, Ingres, etc.» dans le B, voici «Bosch, Van Eyck, Manet, etc.» dans le parcours C. Hector Obalk fait découvrir au public L’Agneau mystique de Jan Van Eyck comme aucun autre avant lui, parlant des personnages «de tous âges et de toutes les époques» qui le composent ou de la flore extraordinaire devant laquelle on peut passer sans la voir.
Sa vision contemporaine et truculente du Jardin des délices, l’un des tableaux les plus célèbres du peintre néerlandais Jérôme Bosch (1450-1516) fait hurler de rire le public, avec une interprétation très personnelle du paradis et de l’enfer, mêlant références sexuelles et religieuses avec force mimiques qui rappellent le burlesque d’un Buster Keaton.
Mêmes sourires, éclats de rire et moments d’émerveillement devant la poésie du récit, ponctué de musique classique, sur «la notion d’instant» chez le Caravage, le Bar aux Folies Bergère de Manet ou «les animaux au zoo» de Gilles Aillaud, l’un des peintres préférés d’Hector Obalk, auquel le Centre Pompidou consacre une rétrospective jusqu’en février.
Avec ce spectacle mêlant artistes et époques, «l’idée, c’est d’inclure tout ce qui s’exclut, des mondes qui sont autonomes et n’ont pas besoin les uns des autres», explique le «showman», auteur, entre autres, d’un livre intitulé Aimer voir. Comment on regarde un tableau. «Mon mentor, le psychanalyste Francis Pasche, me disait : « Ce qui est beau avec l’esthétique, c’est que le monde de Balzac est un monde en soi qui n’a pas besoin de celui de Stendhal. »»
«J’ai passé dix ans sur Marcel Duchamp, huit ans sur le maniérisme (NDLR : courant esthétique de la fin de la Renaissance, auquel appartiennent des peintres comme Arcimboldo ou encore Le Tintoret), je ne sais pas combien d’années sur le XVIIIe et le XIXe siècles. J’ai découvert des choses nouvelles à tout âge et je n’ai pas arrêté d’apprendre sur le sujet», assure Hector Obalk.
«Est-ce qu’on peut tout résumer sans être superficiel ? C’était ça le challenge», ajoute-t-il, tandis que le violoncelliste Raphaël Perraud et le violoniste Pablo Schatzman, qui accompagnent son récit en musique, répètent un morceau de l’Italien Niccolò Paganini, compositeur virtuose du début du XIXe siècle.