Un foisonnant documentaire revient sur la vie et l’œuvre du musicien de génie, décédé en 2016. Avec, en guise de fil rouge, le destin d’une de ses plus belles chansons : Hallelujah.
Une chanson, aussi iconique soit-elle, peut-elle éclairer la vie d’un artiste? Hallelujah : Leonard Cohen, a Journey, a Song offre une plongée inédite dans l’intimité du musicien canadien décédé en 2016, avec, comme fil conducteur, sa chanson Hallelujah.
Signé du duo américain Daniel Geller et Dayna Goldfine – à qui l’on doit notamment Ballets Russes (2005) et Isadora Duncan (1988) – ce documentaire, présenté début septembre au festival du Film américain de Deauville, ambitionne d’«apporter un éclairage sur les moments forts et les influences qui ont nourri Leonard Cohen, percer sa spiritualité», a expliqué Dayna Goldfine.
Ce film n’est pas un biopic sur le créateur de Suzanne, et ce n’est pas non plus un documentaire sur une chanson, Hallelujah. «Ce qu’on a cherché à faire, c’est regarder la vie de Leonard Cohen à travers sa chanson la plus connue», a précisé la cinéaste.
Un projet qui a mis plus de huit ans à se concrétiser mais qui s’est fait avec l’aval du principal intéressé. «C’était important pour nous d’avoir la bénédiction tacite de Leonard. Sans ça, nous n’aurions pas pu faire le film!», a indiqué Daniel Geller.
Un pionnier dans les «selfies»
D’une grande richesse, il est rempli d’archives rares obtenues auprès de la famille de l’auteur, compositeur et interprète. Parmi ces trésors, une vidéo du jeune Leonard en pleine lecture poétique ou ses premières interviews. Plus anecdotique, le film fait aussi la part belle à plusieurs «selfies» de l’artiste pris avec son appareil photo Polaroïd. «C’était quelqu’un qui était en avance sur son temps, qui prenait des selfies dès les années 1970», avait assuré Dayna Goldfine.
Surtout, les réalisateurs ont eu accès aux carnets personnels du poète et musicien. «On a mis des années à les récupérer», avait-elle ajouté. «C’est aussi la preuve de ce que Leonard a toujours dit. Qu’il a mis des années à écrire cette chanson, repartie sur cinq carnets». Chanson dont sa maison de disques, Columbia, n’a pas voulu. Ce n’est que quelques années plus tard que Bob Dylan la sort de l’anonymat, puis John Cale (1991), avant la poignante reprise de Jeff Buckley (1994).
Tourments, dépression et spiritualité
La richesse documentaire du film est également nourrie de témoignages de première main, comme celui de Judy Collins, qui lui donna confiance pour se lancer. Comme lorsqu’il monte sur scène en 1967 pour interpréter Suzanne. Terrorisé, il finit par l’abandonner avant d’être rattrapé par Collins qui l’encourage à terminer sa performance.
Selon la coréalisatrice du film, Leonard Cohen était «un interprète assez atypique, avec une voix atypique. Ce n’était pas une personnalité très « rock’n’roll »… Et je crois qu’elle l’a beaucoup aidé à dépasser ça».
Si le film explore de façon méticuleuse la genèse et les reprises d’Hallelujah, il offre aussi un éclairage sur les tourments de l’artiste, sa quête de spiritualité, sa dépression – dont il a souffert en silence durant des années – et le rejet qu’il a d’abord suscité, dressant un portrait très humain d’un homme connu pour son immense carrière, mais qui n’a eu de cesse de douter.
«Avant même de commencer le projet, je me disais que Leonard Cohen était un dieu. Mais, après avoir passé huit ans à scruter sa vie, il est devenu clair que c’était un homme. Un homme qui a fait un vrai travail sur lui-même. Tous les jours de sa vie», avait confié Dayna Goldfine. Pour Daniel Geller, le documentaire n’est pas tant un film sur un homme, mais un «voyage à travers la vie. Voyage que nous faisons tous».
Hallelujah : Leonard Cohen, a Journey, a Song,
de Daniel Geller et Dayna Goldfinen.