Cinq ans après le tremblement de terre qui a détruit Port-au-Prince, Haïti peine à se relever, et des milliers de personnes vivent toujours sous des tentes.
Dans le camp « La Piste », en banlieue nord de Port-au-Prince, environ 4 000 amputés vivent dans des baraques en contreplaqué. (Photos : AFP)
Pour aggraver encore la situation, une épidémie de choléra, vraisemblablement réintroduit dans le pays par des Casques bleus népalais venus aider dans la foulée du séisme, a fait plusieurs milliers de victimes supplémentaires.
Une grosse partie de l’aide internationale a été dépensée rapidement pour des besoins urgents, dans les semaines et les mois après la catastrophe, mais la remise sur pied du pays à plus long terme ne s’est pas concrétisée.
« Il y a cinq ans, les yeux du monde entier étaient tournés vers Haïti après le séisme dévastateur qui a détruit tant de vies et laissé près de deux millions de sans-abri, note Chiara Liguori, d’Amnesty International. Malheureusement, depuis lors, l’intérêt du monde a décliné alors même que des dizaines de milliers de personnes restent sans ressources et sans domicile. »
> Encore plus de 85 000 sans-abri
Même avant la catastrophe, le pays était l’un des plus pauvres du monde. La plupart des réfugiés ont reconstruit eux-mêmes leur logement, ou ont été aidés par des organisations humanitaires locales ou internationales travaillant avec le gouvernement haïtien.
« Aussitôt après le tremblement de terre il y avait 1,5 million de sans-abri. Aujourd’hui, cinq ans après, il en reste un peu moins de 70 000 qui vivent sous des tentes », estime Harry Adam, directeur de l’unité publique officielle de construction, qui dépend du gouvernement.
Ceux qui n’ont pas eu la chance de trouver ou de pouvoir reconstruire de nouvelles maisons, vivent dans des taudis comme ceux qui s’étendent autour du Camp Corail, à Canaan, en banlieue de Port-au-Prince. Là, des sans-abris vivent toujours sous des toiles de tente, sans eau courante, sans électricité et sans emploi. Le manque de travail est d’ailleurs une de leurs revendications récurrentes. « Comparé à Port-au-Prince, où vous pouvez facilement vendre n’importe quoi, ici il n’y a pas de travail, il n’y a rien, donc les gens ne peuvent rien acheter », se plaint ainsi Djouvens Noel, l’un des habitants.
Des sans-abris vivent toujours sous des toiles de tente, sans eau courante ni électricité.
> Pas d’infrastructures durables créées »
Selon le dernier bilan d’Amnesty International, 85 432 personnes restent sans abri et environ 25 000 familles vivent dans des conditions précaires. Des milliers d’autres ont aussi été expulsés de force des refuges, affirme aussi l’organisation.
« Dans la foulée du désastre, il semblait que le problème du logement en Haïti allait enfin être traité sérieusement. Mais ce rêve s’est rapidement évaporé », reprend Chiara Liguori.
D’autres survivants ont perdu plus que leur maison. Dans le camp « La Piste », environ 4 000 amputés vivent dans des baraques en contreplaqué. « À cause de ma jambe amputée, même si je voulais aller travailler, je ne pourrais pas, déplore Jean-Baptiste Saint-Milio. Parfois, des gens me donnent de la nourriture pour les enfants, mais parfois, ils doivent rester sans manger pendant plusieurs jours. »
Les ONG, comme Handicap International, font ce qu’elles peuvent dans un pays qui manque de spécialistes pour fabriquer des prothèses et apprendre aux amputés à s’en servir.
Les dirigeants du pays restent, quant à eux, frustrés : une grosse partie des neuf milliards de dollars d’aide promis par les organisations internationales après la catastrophe ne sont jamais arrivés. Une partie de l’argent a été utilisée directement, sans transiter par les autorités haïtiennes ou n’a jamais été donnée. Et si le gouvernement haïtien n’est pas exempt de reproches, les observateurs soulignent que leurs arguments ne sont pas sans fondement.
« Une partie de cet argent avait été promise et n’a pas été donnée, donc il n’a jamais vraiment existé, relève Jonathan Katz, auteur du livre The Big Truck that Went by (littéralement : Le Gros camion qui est passé) sur le séisme et ses conséquences. Et des sommes importantes ont été dépensées pour des petites mesures d’aide temporaires dès le début, qui n’étaient pas destinées à durer très longtemps. Il n’y a donc pas eu d’infrastructures durables créées », conclut-il.
Le Quotidien/AFP