Avec leur 17e film Hail, Caesar!, (en français Ave César !), les frères Ethan et Joel Coen signent un hommage aux studios de Hollywood des années 1950. C’est satirique, oui, mais aussi bienveillant. Du cinéma élégant et pétillant comme ils ont l’habitude d’en proposer.
Un projet évoqué lors d’un tournage en 2004. Un film dans les salles, douze ans plus tard et qui, la semaine passée, a fait l’ouverture de la 66 e Berlinale. C’est Hail, Caesar! , le dix-septième et nouveau film des frères Ethan et Joel Coen, palmés d’or en 1991 pour Barton Fink. Une fois encore, le duo fraternel frappe fort. Et signe un des grands films de ce début d’année.
Une fois encore, les deux réalisateurs ciblent Hollywood. Avec quelques tâcherons de la pellicule, ça aurait être sanglant ou vulgaire, extrême ou grossier; avec les Coen, c’est élégant, ironique, acide, pétillant, d’autant que, comme pour chacun de leurs films, ils ont réuni un casting du plus haut niveau. Donc, nous voilà embarqués à Hollywood dans les années 1950, au temps des grands studios, des délires de producteurs, des caprices (le mot est bien faible!) des divas, comédiens et comédiennes…
« C’est un film sur le cinéma, la vie, la religion et la foi. La foi et le business du cinéma. Et toujours avec George », a précisé Ethan Coen, avant d’ajouter que Hail, Caesar! est le dernier volet de la «Trilogie des idiots», après O’Brother (2000) et Intolérable cruauté (2003). Et c’est parti pour une folle journée avec Eddie Mannix, notre guide du jour dans les coulisses d’un grand studio hollywoodien.
Délicatement kitsch
Son job? Fixeur. Chez Capitole, un des plus fameux studios de l’époque, il doit régler tous les problèmes inhérents à chacun de leurs films. Evidemment, pour le job, il n’y a pas de routine et surtout pas d’horaires! Ainsi, dans la même journée, il peut avoir à régler les susceptibilités des communautés religieuses pour une adaptation de la Bible ou les caprices du réalisateur vedette qui n’apprécie pas que le studio lui impose un jeune espoir du western dans le rôle principal de son prochain drame psychologique.
Mais tout ça, c’est pour Eddie Mannix du tout-venant! Parce que, cette fois, il se retrouve confronté à un obscur groupuscule d’activistes politiques. Et là, les activistes, ils ne font pas dans le détail : en plein tournage d’une superproduction biblique, ils exigent une rançon pour l’enlèvement de la superstar du studio, Baird Whitlok (délicieusement interprété par George Clooney).
En plus, le fixeur doit composer avec la frénésie journalistique des deux jumelles et chroniqueuses ennemies, Thora et Thessaly Thacker. Voilà, c’est une belle journée qui s’annonce pour Eddie Mannix! Une belle journée pour évoquer le Hollywood de l’âge d’or, celui des années 1950 qui a nourri cinématographiquement les frères Coen et tous les autres réalisateurs du «Nouveau Hollywood» (et du cinéma américain indépendant).
C’est délicatement kitsch, promptement emballant avec, et c’est la signature du duo fraternel, des références jamais appuyées. Avec les Coen, oui, c’est satirique mais c’est aussi toujours bienveillant. Un bel hommage à un temps où, selon les mots de Joel Coen, « il n’y avait pas d’effets spéciaux, mais du carton-pâte, des paillettes et beaucoup d’imagination. On pouvait vraiment parler de magie du cinéma ».
Serge Bressan
Hail, Caesar ! (Avé César ! en français), de Joel et Ethan Coen (États-Unis/Grande-Bretagne, 1h40) avec Josh Brolin, George Clooney, Alden Ehrenreich…
George Clooney, star engagée
Dans ce film, le quatrième qu’il tourne avec frères Coen, George Clooney, 54 ans, incarne dans un péplum biblique un César improbable kidnappé par des… scénaristes communistes. Avec toute l’équipe du film, il est venu à Berlin. Et a participé à la conférence de presse.
Quelques questions sans grand intérêt à l’adresse de George «What else?» Clooney, avant de passer à des sujets d’actualité. Une journaliste allemande lui demande : «Ne pourriez-vous pas utiliser davantage votre statut de star pour vous engager, pour peser sur les problèmes géopolitiques du moment?»
Réponse de l’acteur américain : «Dois-je vous rappeler mes visites au Darfour? Vous confier que j’ai rendez-vous dans quelques heures ici à Berlin avec Angela Merkel et des réfugiés? Dois-je vous répéter que mon pays, les États-Unis, n’est pas assez concerné par les questions de politique étrangère? Ou encore qu’on ne fait pas un film engagé en claquant des doigts?» Et d’ajouter : «C’est le travail des journalistes d’être synchrones avec le monde. Ce n’est pas le temps du cinéma, qui met toujours de longs mois à s’emparer des problèmes de la planète, le temps de trouver une histoire, un angle, lesquels n’arrivent pas toujours, et d’écrire.»
Le 30 janvier, dans une tribune publiée par CNN et diffusée par le haut commissariat aux Réfugiés, Jeremy Barnicle, membre de l’organisation humanitaire Mercy Corps, avait demandé le soutien de l’acteur et écrit : «La Syrie a besoin de beaucoup de choses aujourd’hui. L’une d’entre elles est George Clooney.»