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Gus Van Sant se perd dans « The Sea of Trees »


Le personnage principal en crise existentielle est incarné par Matthew McConaughey. A ses côtés, Naomi Watts. (Photo DR)

Un homme se rend dans une forêt au pied du mont Fuji pour y mettre fin à ses jours. Il veut renoncer, il est prisonnier de la forêt, c’est « The Sea of Trees », de Gus Van Sant.

Depuis les années 1980, le festival de Cannes ne manque pas une occasion d’accueillir Van Sant, dont la critique internationale avait copieusement sifflé ce Sea of Trees. «Aller à Cannes, c’est un coup de poker, avait alors confié l’Américain. Des fois, on gagne; des fois, on perd. Et quand je fais un film, je m’attends toujours à ce que les gens trouvent ça nul. Alors, le jour où ça arrive, je me dis juste que j’avais raison et que j’ai été démasqué…»

Cinéaste de haut vol et de grand talent, Gus Van Sant a signé quelques beaux films, tel Gerry (2002). Alors, quand il propose The Sea of Trees, on se pose des questions. On se dit que si c’était là un premier film, il y aurait tant de belles promesses. Mais Van Sant, 63 ans, c’est presque cinquante ans de carrière pour 55 films ciné et séries télé, dont une Palme d’or à Cannes en 2003 pour Elephant… Alors, quand pour une version 2016 d’un «Suicide club», il puise et s’inspire grandement de Gerry, on peut comprendre les sifflets cannois de mai 2015.

Avec le scénariste Chris Sparling, il a tricoté une bonne histoire même si elle n’est pas franchement originale : on a un type, Arthur Brennan, qui décide d’en finir avec la vie. Pour ce, il a choisi un lieu : au pied du mont Fuji, la forêt d’Aokigahara, surnommée «the sea of trees» et là où de nombreux suicidaires passent à l’acte car ils savent qu’ils ne pourront pas être retrouvés. Et, ô! comme c’est étonnant, Arthur Brennan va revoir défiler les grands moments de sa vie de couple. La rencontre avec sa femme Joan. Leur amour. L’usure de leur couple. L’éloignement progressif. Et puis, paradoxe, une épreuve, dramatique, bien sûr, va cimenter une nouvelle fois les sentiments, réunir à nouveau Arthur et Joan. Souvenirs de couple, passion d’une vie…

Une envie tardive de vivre

Initialement, le scénariste Chris Spalding qui a découvert l’existence de la forêt d’Aokigahara par hasard sur Google envisageait l’écriture d’un film d’horreur. Après discussion avec le réalisateur, il a opté pour mettre en avant l’émotion : «Lors de mes recherches, j’ai découvert qu’en se rendant sur place, certaines personnes hésitent à mourir et changent d’avis, mais que la forêt est tellement labyrinthique que c’est trop tard… La forêt les retient prisonniers. L’idée de voir quelqu’un s’engager dans ce long périple et revenir sur sa décision, le voir réfléchir et se réconcilier avec la vie m’a plu… Ce revirement magnifique d’un être qui a désormais envie de vivre, mais qui est bloqué dans cet endroit et condamné à y mourir, c’est ce cheminement que j’ai trouvé fascinant.»

Mais à l’écran, même si le personnage d’Arthur Brennan en crise existentielle est incarné avec sérieux par Matthew McConaughey, la réalisation et la mise en images de Gus Van Sant sont vraiment trop laborieuses. Bien sûr, il y a dans ce Sea of Trees de beaux moments d’errance dans ce labyrinthe de croyances et superstitions japonaises, mais finalement, c’est le recours artificiel au pathos qui prend le dessus. Dommage…

De notre correspondant à Paris, Serge Bressan