Les autorités ne cessent de le répéter : le Ghana va développer « le plus grand service de livraison par drone au monde », selon l’expression de son président, Nana Akufo-Addo.
Inauguré mercredi en grande pompe par le président, le service de livraison par drone permet d’atteindre les régions les plus reculées du pays, pour pallier les problèmes d’accès aux soins, et particulièrement d’accès aux médicaments.
« Personne au Ghana ne devrait mourir parce qu’il n’a pas eu accès à un médicament dont il a un besoin urgent », a martelé le président Akufo-Addo en assistant aux premiers vols de drones.
Au Ghana, pays de 30 millions d’habitants et d’une superficie égale à celle du Royaume-Uni, les populations rurales sont souvent coupées de tout, et notamment de la médecine, en raison du manque d’infrastructures et d’un mauvais état des routes.
Zipline, la compagnie américaine qui propose ce service novateur, a déjà fait ses preuves. Les premières poches de sang et médicaments ont été livrés par les airs en 2016 en Afrique de l’Est, au Rwanda, le « pays des mille collines », dont les villages sont également très isolés.
Les drones ne remplaceront pas les hôpitaux, mais peuvent sauver des vies. Un tiers des morts en couches sont dues à des hémorragies, par exemple : des causes de décès faciles à éviter, même dans les cliniques rurales, si elles ont accès à des poches de sang très rapidement.
Couverture universelle
De même, l’antivenin doit être administré en un temps record. Les vaccins doivent être conservés à des températures réfrigérées… mission quasiment impossible dans les zones rurales où il n’y a pas d’accès à l’électricité.
Cette innovation va sans aucun doute modifier la donne dans les cliniques rurales, mais elle a un coût important : le contrat de quatre ans avec Fly Zipline Ghana s’élève à 12,5 millions de dollars.
Le déploiement de drones fait partie d’un programme général de modernisation des hôpitaux et des cliniques.
Avec un budget ambitieux d’un milliard de dollars en 2018 pour son secteur de la santé, le Ghana y accorde 6,6% de son budget national et vise une couverture de santé universelle pour toute la population.
Le premier centre de drones, à Omenako, à 70km d’Accra, est ouvert depuis cette semaine. Trois autres seront construits à travers le pays d’ici la fin de l’année. Ils comprendront chacun 30 drones et 150 produits (médicaments, vaccins, antivenins, matériel chirurgical…), et pourront accéder à 500 cliniques rurales, soit assurer la couverture de 12 millions de personnes, quasiment la moitié de la population.
« Les ‘avions’ peuvent faire 160km en tout, donc on peut atteindre des localités dans un rayon de 80km environ autour de chaque centre », explique, Justin Hamilton, directeur de communication pour Zipline.
« Le prix de notre service est égal à celui d’une ambulance, d’un camion ou d’une moto. Nous sommes juste beaucoup plus fiable, efficace et beaucoup, beaucoup plus rapide », assure-t-il.
Livrés et parachutés
Dans quelques mois, le personnel médical des cliniques pourra commander du matériel ou faire des demandes en urgence grâce à une application mobile sur leur téléphone.
En moins d’une heure, les produits seront livrés et parachutés.
Finis les problèmes « du siècle dernier », comme les nomme la compagnie du futur : pannes, mauvaises routes…
Sauf que pour beaucoup, les livraisons par drones restent une solution de court terme, qu ne règle pas les problèmes de fond.
« Nous devons dépenser davantage pour réparer les routes, et investir dans un meilleur réseau d’ambulances », nuance Ethel Cofie, experte ghanéenne en technologie et fondatrice de l’association panafricaine de nouvelles technologies, Women in Tech Africa.
Les drones ne régleront pas non plus le problème de manque de formation du personnel ou des carences à l’échelle du pays.
« Les hôpitaux manquent encore de médicaments essentiels », écrit Kobby Blay, infirmier et activiste, dans son blog consacré à la santé et critique du nouveau programme.
« Comment un drone peut-il changer la donne s’il n’a rien à livrer? », interroge-t-il.
Du côté des autorités, on reste confiant et rassurant.
« Nous sommes un pays en développement », justifie Douglas Adu-Fokuo, directeur général des services de santé du pays. « Nous ne pourrons pas régler tous les problèmes d’un coup, mais il faut bien commencer quelque part », assure-t-il.
AFP