Geoffroy Monde est ce que l’on appelle un touche-à-tout, s’exprimant par la peinture, l’animation et, bien sûr, le dessin. Son petit monde, absurde à souhait, est réjouissant.
Ses albums, aux appellations doucement ravagées (Serge & demi-Serge, Papa Sirène & Karaté Gérald…), dévoilent un monde dingue, garni d’histoires extravagantes. Geoffroy Monde, c’est un peu le symbole de l’underground : celui des fanzines, des minuscules maisons d’édition, des collaborations multiples, du noyau de potes et du bricolage maison. Il distribue son Tigre mondain au hasard, dans les boîtes aux lettres aux noms qui le font rire, célèbre la cacahuète dans sa revue du même nom et édite quelques singularités sous Le Flan. Et il fait même de la musique et un peu d’animation. Ça méritait bien d’en savoir un peu plus…
Ce mois-ci, Fluide glacial vient de publier votre première histoire. Pour quelqu’un qui loue les talents de Gotlib et Goossens, ça doit être une belle reconnaissance…
Geoffroy Monde : Oui, c’est un moment marquant, ne serait-ce que par le fait de collaborer avec une revue connue pour ses auteurs que j’aime, que j’admire. Ce sentiment m’est déjà arrivé lorsque j’ai participé à Vents contraires, la revue en ligne du théâtre du Rond-Point. Il y a avait des textes d’Éric Chevillard, un auteur sublime.
Comment êtes-vous arrivé à la BD ?
Une passion, d’abord, en étant petit, puis un éloignement durant mes études, où je me suis plus tourné vers le dessin et la peinture. J’avais aussi une envie de me lancer dans l’animation. À l’époque, je n’ai jamais considéré la BD comme quelque chose de riche, avec lequel on peut vivre, en faire un métier. Je ne voyais pas ça sérieusement.
Et il y a eu ce blog…
Oui, un truc sur lequel je me suis lancé, juste pour me défouler, y mettre ce que j’avais envie, sans retenue. Bref, quelque chose d’annexe. Puis il y a eu les éditions Lapin, qui regroupaient de nombreux webcomics français et d’ailleurs. C’est à partir de là que j’ai renoué avec le monde de la BD.
C’est même ces éditions qui ont publié, en 2011, votre premier ouvrage « physique ».
Oui, c’était Bastien Dessert : la désillusion de Philippe Cave, que j’ai fait avec Thomas Regnault. Un grand plaisir et souvenir, même si ça reste un petit éditeur et que l’album est relié avec des agrafes (rire).
Mais c’est aussi tout le charme du milieu dit indépendant…
Tout à fait, et je suis plus qu’heureux d’avoir mis un pied là-dedans! C’est un univers à la synergie folle. On collabore avec des revues et magazines divers, on côtoie plein de gens différents, on peut faire un paquet de choses à la fois… Sans oublier les amis – Noël Rasendrason (alias NR), Elosterv, Gad, Thomas Broquet, Megaboy, Mirion Malle, Tarmaz, Mandrill Johnson… On fait tous partie des mêmes cercles. On échange, on s’influence.
D’où tenez-vous ce sens de l’absurdité, qui caractérise en majorité votre œuvre ?
Tout vient de ma mère! Ça peut faire rire, mais c’est vrai. Elle a toujours compris et encouragé les trucs que j’ai pu faire enfant. On s’amusait, à l’époque, à faire de la BD à quatre mains. Sans oublier le fait que c’est elle qui m’a fait découvrir les Monty Python. Ce qui n’est pas rien… En tout cas, ce sens de l’absurde, aujourd’hui, je l’entretiens, dans le but d’essayer, toujours, de surprendre.
Vous y parvenez, sachant que certaines de vos histoires, à l’instar d’un certain Édika, se terminent en queue de poisson…
Durant mes études, j’ai fait des recherches sur les notions d’absurdité et de nullité. Elles créent des ressorts qui coupent net l’histoire et génèrent un sentiment de déception chez le lecteur. Pour moi, finir une histoire sans chute, alors qu’elle est essentielle dans la BD humoristique, est une vraie gageure. Je veux que celui qui lit mes histoires trouve plus d’intérêt à leur déroulement qu’à leur conclusion. Bon, soyons honnête, des fois, je ne trouve pas la chute (rire). Ce qui n’est pas sans poser, au passage, certains problèmes : combien de fois j’ai pu entendre « là, le lecteur ne va pas comprendre »… C’est que mon travail n’est pas fait pour lui.
Chez vous, comme pour d’autres auteurs de votre « cercle », le côté fait maison se ressent. Est-ce une approche essentielle ?
En tout cas, ça nous plaît. En 2012, avec ma copine, on a lancé les éditions du Flan. Ensemble, on fait de petits livres artistiques « fait maison » que l’on vend sous le manteau en festival. Et ce n’est pas qu’une expression : on a réellement un grand manteau plein de poches, avec nos productions, que l’on ouvre tels des satyres devant les gens. On propose notamment notre fanzine, La Cacahuète, qui illustre bien l’idée de notre collectif.
Avez-vous des projets en cours ?
J’en ai des tonnes, mais rien de concret pour l’instant. Disons que j’aimerais m’atteler, un jour, à une histoire de superhéros qui mélangerait science-fiction et d’autres trucs assez bizarres. À voir…
Grégory Cimatti