Initié l’année dernière, le projet «Friday Island» mélange, le temps d’une soirée, les disciplines, les artistes et le public, dans un décloisonnement social et humain revendiqué. À découvrir ce vendredi à De Gudde Wëllen et chez Timequest, à Luxembourg.
Après trois expériences, en 2015, à Dommeldange, Katharina Bintz et Gianfranco Celestino ramènent leur projet au centre-ville, vendredi. La philosophie, elle, reste la même : créer un lieu d’échanges et d’idées entre des artistes de disciplines culturelles diverses et un public, qui se prend au jeu. Découverte.
Lui-même danseur et pianiste, Gianfranco Celestino était voué, par essence, à prêcher pour le décloisonnement artistique. Après s’être fait, pas à pas, un nom au cœur du microcosme luxembourgeois, il a alors cherché à mettre en pratique cette tendance à l’enchevêtrement, à la confusion, avec, d’abord, ses «After Hours», moment d’improvisation entre un musicien et un danseur, qui ponctuaient les soirées du feu Danz Festival Lëtzebuerg, à l’époque aux Rotondes. «C’était direct, limpide», se souvient-il.
Et ses envies d’en faire un rendez-vous régulier et plus long se sont vite manifestées. D’abord, en 2014, dans une discrète apparition au Theaterfest – où il y a avait même un graffeur aux élans écologiques qui laissait ses cartons recyclés imprimés d’un mystérieux «Friday Island» –, ensuite l’année suivante, à Dommeldange. «C’était un vrai test, reconnaît-il. Dès le départ, on avait dans l’idée de faire un projet qui change de lieu à chaque fois, mais c’était trop ambitieux! On a préféré rester sur place et rester attentif aux critiques.» Celles-ci sont, dans l’ensemble, plutôt positives, et l’«atmosphère festive», comme l’«originalité du projet» font de ce triple essai un départ plus qu’encourageant.
Le public au cœur des créations
D’où cette nouvelle mouture, avec une première manifestation dans la capitale, au Gudde Wëllen et chez le voisin de Timequest, nouveau venu dans le quartier. Le restaurant Mesa Verde est aussi de la partie, histoire de mettre plus de vie sur les pavés du secteur. Même espoir pour l’intérieur où, à travers des rencontres ludiques, des performances interactives, des artistes de tout horizon et des spectateurs à leur aise, Gianfranco Celestino et Katharina Bintz – l’autre instigatrice du projet – espèrent que leur «utopie» prenne sens.
«Avec Friday Island, chacun a la possibilité de participer, de s’exprimer. On aimerait, idéalement, stimuler des idées, favoriser les connexions, développer ensemble nos connaissances, encourager les réflexions, le tout sur une base démocratique.» En plus court, un «vrai lieu d’échanges». Les artistes, dénichés à la suite d’un appel à candidatures et soumis à une thématique «prédéfinie» et légèrement «développée» (en l’occurrence celle du «Jeu», ou «Play(ing)», pour la prochaine rencontre, vendredi), doivent «proposer quelque chose de pertinent par rapport à la trame et au lieu. Il n’y a pas d’autre contrainte». Sauf que leur approche doit être aussi «critique et expérimentale», sachant que rien n’oblige à offrir «un produit fini». «Cela peut être une simple esquisse.»
Sur cet îlot chaotique, le public, lui, doit «se sentir au cœur du concept». Pour ce faire, entre «propositions participatives» et celles qui «utilisent tout l’espace», «les spectateurs se disent : « Tiens, on est dedans, on a notre rôle dans la création! »» Sans oublier qu’après les quatre performances au programme de la soirée, les mélanges se poursuivent à travers une collation, un débat (en anglais), ainsi que d’autres discussions informelles avec musique, danse et plus si affinités.
Et cette idée, ô combien salutaire en ces temps moroses, que l’on peut «élargir l’esprit par l’art et la discussion», sera accompagnée d’une sensibilité sociale, sachant que, à l’instar du «3 du Trois» des Trois C-L, ces réjouissances ne seront pas payantes, en tout cas, à la hauteur de ce que le public estimera comme juste. Un «pay as you wish» valable aussi pour les mets préparés par le Mesa Verde. «Dix euros pour un directeur de banque, ce n’est pas les mêmes dix euros pour un chômeur!», soutient Gianfranco Celestino qui, à travers cet îlot bienheureux, compte «créer une communauté en mouvement autour d’un projet le plus différencié possible». Après la rue du Saint-Esprit, on sait déjà que c’est le Haricot, de Bonnevoie, qui profitera, début décembre, de cet idéal artistique.
Grégory Cimatti
« Friday Island ». De Gudde Wëllen & Timequest, 17 et 19 Rue du St Esprit, Luxembourg. Vendredi 14 octobre à partir de 18 h 30.