Samedi, les Luxembourgeois Nicool et Napoleon Gold ont retrouvé la scène aux Francofolies d’Esch-sur-Alzette après de longs mois de silence. Réactions à chaud.
Même le concert terminé, elle continue d’agiter ses mains, appuyant chacune de ses phrases d’un mouvement nerveux. Nicool, jeune rappeuse «made in Luxembourg» et promesse couvée par De Läbbel, vient de quitter la scène, mais la tension n’est pas retombée. «Ce concert m’a excitée. J’étais comme une enfant qui attendait Noël !». Le cadeau ? Un set d’une trentaine de minutes offert par les Francofolies, alors qu’elle n’avait pas joué depuis l’été dernier à Neimënster. «Impressionnée» par la scène imposante, elle s’est rassurée en s’accompagnant de deux amis : le DJ BTM, aux scratches bien sentis, et la chanteuse Nadja.
Son live, tout en diversité – «j’aime emmener les gens en voyage, avec des montées et des descentes» – est en tout cas d’une belle maîtrise, malgré quatre titres inédits et un public devant elle toujours assis. «C’est toujours bizarre car ça n’a rien d’habituel, surtout dans le hip-hop, lâche-t-elle. Et on ne sent pas trop les gens derrière leur masque. Mais parfois, on les voit sourire… avec les yeux !» Malgré un dernier single (8002 6002) enregistré avec Dany le Loup, Nicool reste en délicatesse avec la langue française, plus «à l’aise» avec le luxembourgeois dans lequel elle trouve une forme «d’authenticité» et une rythmique à son goût.
Un choix évident, mais pas simple à assumer lors d’un festival qui célèbre la francophonie. «Sur scène, j’ai commencé à parler en luxembourgeois mais je n’ai vu aucune réaction du public. Je me suis dit : « mince, il va falloir passer au français »». Ce qui peut provoquer quelques méprises… «À un moment, j’ai dit un truc du genre : « bougez un peu plus comme ça, vous ferez votre sport de la journée ! » Bref, j’ai dit qu’ils étaient tous gros !», rigole-t-elle. Elle promet toutefois, à la suite de nombreuses demandes, d’ajouter prochainement des sous-titres en français sur ses clips. Au moins là, sa langue ne fourchera pas !
«Même assis, vous êtes tous beaux !»
Dans une musique plus cinématique et laissant parfois le micro à d’autres, comme samedi, Antoine Honorez, alias Napoleon Gold, n’a pas connu d’écart de langage. «Euphorique», il lance même au public : «Même assis, vous êtes tous beaux !» Pourtant, selon ses aveux, il ne voyait que «le haut du crâne de tout le premier rang !» Ce qui ne l’a pas empêché de vivre intensément le moment derrière ses synthétiseurs, un peu à l’écart, ayant laissé toute la place à trois violonistes, un batteur, une violoncelliste et une chanteuse. «J’ai eu envie de marquer le coup, me faire plaisir. Sur scène, quand je les écoute, je suis presque comme un spectateur !»
Après un an et demi de «réflexion» et de remises en question, «personnelles comme musicales», lui qui a eu 30 ans durant la pandémie cherche aujourd’hui à se réinventer. «Ça sera toujours moi… mais en différent !». En attendant sa métamorphose, promise pour les prochains jours – de nouvelles chansons seront prêtes début juillet – il avoue avoir pris «beaucoup de plaisir» à renouer avec la scène, qu’il devrait retrouver dans deux semaines à Prague. Une joie, certes, mais aussi des appréhensions : «J’étais comme un débutant ! Je me demandais si j’avais pris tous mes câbles, si mon ordinateur n’allait pas planter…».
L’intensité du live, heureusement, efface tout. Sauf ce public, immobile et lui aussi bloqué dans un certain malaise. «Je prie tous les jours pour que l’on puisse vivre la musique… debout !», conclut Nicool. Rendez-vous à la fête de la Musique pour, espérons-le, un début de réponse.
Grégory Cimatti