Concerts mobiles, scène flottante et beaucoup de numérique : de Grenoble à Nantes, la fête de la Musique dimanche se veut « corona-compatible » avec des artistes allant à la rencontre du public plutôt que l’inverse.
L’édition de cette année est marquée par le coronavirus mais aussi par un anniversaire funeste : la mort il y a un an de Steve Maia Caniço à Nantes lors d’une opération policière controversée à la fin d’une soirée electro. Jack Lang, créateur de la fête de la Musique, a dédié l’édition 2020 à l’animateur périscolaire de 24 ans dont le corps a été retrouvé dans la Loire, alors que l’actualité est marquée par une mobilisation contre les violences policières. « La mort de cet amoureux de la musique (…) endeuille à jamais la fête de la Musique. Steve est dans mon cœur », a notamment indiqué l’ancien ministre de la Culture.
À Nantes, toujours marquée par le drame, des playlists seront proposés par des artistes de la ville sur une page web de la mairie, tandis que les habitants sont appelés à se produire en soirée sur leur balcon ou fenêtre, en musique ou en chanson. Le monde du spectacle vivant a été durement touché par la pandémie et s’estime être le « grand perdant » de la crise.
Partout en France, les rassemblements, et donc les concerts de plus de 10 personnes sur la voie publique, sont encore interdits et les artistes doivent faire preuve d’imagination. Jean-Michel Jarre a donné le ton en annonçant qu’il allait jouer en direct dimanche « en avatar, comme dans Matrix« , dans un univers virtuel où il pourra être rejoint « par les avatars des spectateurs en immersion totale, une première mondiale. À la Philharmonie de Paris, pas de show en réalité augmentée mais le premier récital avec public depuis la mi-mars dans la grande salle Pierre-Boulez (2 400 places) avec la pianiste Khatia Buniatishvili devant une jauge réduite (800 personnes).
Aux quatre coins de la France, c’est surtout l’idée des concerts mobiles qui séduit. À La Rochelle (Charente-Maritime), la municipalité propose d’amener sets de hip-hop, fanfares et concerts en calèches dans différents lieux pour éviter les attroupements. Les Francofolies, annulées comme l’écrasante majorité des grands festivals d’été, mettra en ligne une programmation musicale.
À Bordeaux, la maison d’opéra renoue également avec le public qui pourra assister à une classe de ballet et deux concerts dans son Grand-Théâtre et à l’auditorium. Salles de concert, bars et restaurants ne devront pas « dépasser les 105 dB(A) », soit le niveau « que l’on perçoit dans une discothèque », selon la municipalité, qui bannit amplis sur les terrasses et tireuses à bière en extérieur.
Sur des chars ou aux balcons pour ne pas provoquer de regroupement
Plus au sud, à Pau (Pyrénées-Atlantiques), cinq camions sillonneront la ville pour un marathon musical dans les rues et sur internet. L’idée est également à l’honneur dans l’Est : à Nancy, la fête se fera « au balcon et en wagon », le petit train touristique circulant dans les rues du centre avec des musiciens à bord. Désignée « ville créative Unesco musique », Metz verra également des DJ sillonner ses rues (de 16 h à 22 h) sur des chars pour faire danser les habitants dans leurs appartements. À Strasbourg, une « scène flottante » avec DJ et groupes locaux sera installée sur un bateau qui naviguera sur la rivière l’Ill, pour mettre de l’ambiance sur les quais. Dix vélos-cargos sonorisés se promèneront dans des quartiers et les habitants seront invités à chanter ou jouer des percussions avec les artistes.
À Lyon, la fête de la Musique est surtout rythmée par des interdictions, l’interdiction de jouer frappant même les musiciens amateurs. En zone alpine, à Chambéry, six DJ se relaieront dans un espace vide du Phare, la grande salle de concerts et d’exposition. Mais le public pourra interagir en se filmant sur Zoom et les images seront projetées sur des écrans géants, une idée devenue courante depuis la fermeture des théâtres. Malgré la réouverture des salles (à partir de lundi en Île-de-France), elles doivent encore respecter la distanciation sociale avec notamment la séparation des spectateurs par un siège s’ils n’appartiennent pas au même groupe.
LQ/AFP