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Fort aise d’être en confinement ? Eh bien, dansez maintenant !


Une occasion parfaite pour découvrir "Toys" de Léa Tirabasso. (photo Danilo Moroni)

Le «3 du Trois», rendez-vous mensuel du Centre de création chorégraphique luxembourgeois (Trois C-L), se décline dans une version en ligne, diffusée vendredi à partir de 19h, avec la diffusion de trois pièces créées par des artistes résidents du centre.

Non, le Trois C-L ne recule pas devant le ralentissement de la vie culturelle au Luxembourg! Le rendez-vous mensuel «3 du Trois» aura donc bien lieu demain, comme tous les 3 de chaque mois, mais dans une édition «spéciale confinement» : comprendre non pas dans l’enceinte du Centre de création chorégraphique luxembourgeois mais en ligne, sur la page Facebook et le site internet de la structure.

Au programme, des captations vidéo de trois pièces qui ont marqué l’histoire récente du Trois C-L, retransmises à partir de 19h et disponibles au visionnage pendant 24 heures. «Ce sont des pièces créées par des résidents du Trois C-L, précise Bernard Baumgarten, chorégraphe et directeur artistique du centre. Ce qui est important, c’est que celles-ci ne sont plus en diffusion ni en vente», à l’exception de l’une d’elles, The Passion of Andrea 2, de Simone Mousset, toujours en tournée actuellement.

Une occasion parfaite pour découvrir Toys de Léa Tirabasso et Je suis assis avec une canette en étain à la main de Bernard Baumgarten, puisque, souligne ce dernier, la disponibilité des captations sur internet et leur gratuité sont «une opportunité pour nous aussi» de faire découvrir le travail du centre et de sensibiliser un autre public à la danse. «C’est une belle manière d’ouvrir les portes du théâtre», ajoute Léa Tirabasso. «Ça n’a l’air de rien mais cette diffusion vidéo représente un boulot énorme !, reprend Bernard Baumgarten.

Il poursuit : «Rien qu’au niveau des droits, ceux-ci ne concernent pas seulement les chorégraphes, mais aussi les danseurs, les producteurs, la musique… » Lui en sait quelque chose, dont la pièce proposée pour ce «3 du Trois» est entièrement créée autour de la musique de David Bowie. Et de réfléchir, déjà, aux évènements des mois prochains: «Nous programmons déjà un « 3 du Trois » en ligne pour mai et nous discutons avec les Théâtres de la Ville, avec qui nous collaborerons pour celui de juin.»

On le sait, la distanciation sociale n’est pas un fondement de la discipline : «Dans mon travail, les corps sont tout le temps collés. Il y a beaucoup de contact, de sueur, de fluides corporels échangés», affirme la chorégraphe de Toys. «Ma vision en tant qu’artiste est assez contradictoire: je me sens très libre, je fais la danse que je veux faire… Et en même temps, en dépendant aujourd’hui des institutions et du système, ma liberté est entravée par l’impossibilité de se réunir, avec mes danseurs et avec le public. Je me sens amputée, en quelque sorte.»

Créer dans la «réalité concrète»

Pour Simone Mousset, «la situation actuelle soulève beaucoup de questions, et notamment : comment continuer après ça ?» Dans un métier où «il faut toujours voyager, débloquer de nouveaux partenariats», la chorégraphe luxembourgeoise juge nécessaire de «questionner» l’après-confinement «dans une optique écologique. Ces réflexions sont existentielles», complète-t-elle.

Alors, les mesures de confinement entravent-elles la poursuite de la création dans la discipline de la danse ? «Nous sommes conscients que ça ne va pas s’arrêter demain, reconnaît le directeur artistique du Trois C-L, et si c’était le cas, la réouverture des institutions culturelles prendra du temps. Nous ne pouvons donc que réfléchir à notre façon de travailler lorsque l’activité reprendra.»

La distance et l’enfermement renvoient Simone Mousset à une «réalité concrète» qui l’empêche de penser, par exemple, à monter une pièce qui reposerait entièrement sur l’interaction de danseurs à travers la vidéo, chacun à son domicile. «Si la situation reste comme ça pendant un an, alors oui, je penserai à m’adapter», déclare-t-elle, ne cachant pas une certaine «curiosité» dans le développement de la technique et la réflexion sur le public qu’elle insinue. «Mais j’ai deux enfants, alors qu’attendre des artistes quand ils ont des enfants et une famille ? Quand ont-ils le temps de faire ça ?»

Un public forcément absent

L’acte de création de Léa Tirabasso, lui, «se fait seul : avant d’entrer en studio avec mes danseurs, il y a des mois et des mois de recherches et de discussions. Pour mon prochain projet, j’en suis à cette phase», se disant au passage néanmoins «attristée» de l’annulation des dates de la pièce avec laquelle elle tournait actuellement.

Fidèle à ses positions contradictoires, la chorégraphe, qui tire aussi son plaisir du «partage de l’énergie qui se fait en live avec le public», déplore ne pas pouvoir être avec celui-ci, «chez lui», et de ne pas sentir s’il «entre dans le voyage émotionnel dans lequel j’essaie de l’emmener. En plus, la vidéo aplatit les corps», conclut-elle. Le «3 du Trois» est un évènement qui se caractérise aussi par une entrée libre, avec un don qu’il est possible de faire au sortir de la salle. Mais pas cette fois. «Il est de toute façon possible de faire des dons toute l’année au Trois C-L via le Focuna (NDLR: Fonds culturel national), déductibles des impôts et reversés aux artistes», signale Bernard Baumgarten. «C’est une discussion que nous avons eue au sein de l’équipe et nous nous sommes mis d’accord sur le fait que durant cette période, il y a d’autres établissements et d’autres personnes qui ont plus besoin de dons que les artistes.»

La prise de position du Trois C-L est honnête et altruiste devant la réalité difficile que de plus en plus de personnes traversent. La santé avant la culture, oui, mais avec le temps libre inhérent au confinement, il faut continuer à faire vivre et à encourager cette dernière aussi, dans toutes ses disciplines. Alors vendredi, dès 19h, utilisons internet intelligemment et ne laissons pas la danse en quarantaine.

Valentin Maniglia

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