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Forever Pavot, machine à rêver, à Luxembourg le 18 décembre


Forever Pavot : «Que l'on parle de pop, de psyché ou encore de rock progressif, j'essaie d'apporter quelque chose de hanté à ma musique.»

Psychédélique et cinématique à souhait, la musique de Forever Pavot rappelle les élans contemplatifs des Morricone et autres Vannier. Une invitation à replonger dans les sonorités de la fin des «sixties», foisonnantes et élégantes. À découvrir vendredi soir à Luxembourg.

Son premier album, Rhapsode, a égayé la fin de l’année dernière,renvoyant à John Barry, aux Kinks, aux envolées de Gainsbourg et aux westerns en Technicolor. Fande vieux instruments – le clavecin en tête – mais ouvert au hip-hop comme au hardcore, Emile Sornin,est, comme sa musique, un homme à multiples couches. Si son nom de scène ne fait pas l’apologie de l’opium, ses créations sophistiquées,elles, offrent de belles rêveries.

Le Quotidien : Votre album Rhapsode est sorti il y a un an. Est-il toujours aussi plaisant à écouter?

Emile Sornin : Avec le recul, il y a des trucs que je ne referai pas de la même manière. Il faut dire que j’ai mis deux ans à le réaliser, ce qui use un peu… Disons que la direction artistique de certaines chansons me plaît moins. Le côté psyché et « sunshine pop », je m’en éloigne de plus en plus aujourd’hui. J’ai l’impression d’en avoir fait un peu le tour.

Vous avez été surpris de l’accueil de ce premier album, encensé par le public et la critique?

C’était une très bonne surprise, qui m’a vite emmené sur les routes. Tout s’est en effet accéléré pour moi. Pourquoi? Ça, je ne sais pas trop. Rhapsode est sûrement arrivé au bon moment, et j’étais plutôt bien entouré.

Le terme « rhapsode » signifie un artiste qui va de ville en ville, récitant ou déclamant les œuvres écrites par un autre. Vous sentez-vous proche de ces troubadours?

C’est, en effet, plus ou moins un clin d’œil au fait que j’emprunte à de la musique plus ancienne. Même si les références du disque restent assez obscures, des personnes, assez calées sur le sujet, peuvent trouver des similitudes, dans les arrangements, avec d’autres artistes ou des musiques de films. J’espère toutefois ne pas avoir singer cette époque-là, fin 60-début 70, et que ma patte se perçoit. Mais c’est vrai que de la production aux instruments, le clin d’œil à cette période est prononcé. Ce titre, c’est une façon d’assumer cela.

Qu’est-ce qui vous plaît autant dans cette époque?

Toute la richesse et la liberté artistique émanant de cette époque me fascinent vraiment. Le plus marrant, c’est que ce sont le hardcore et le hip-hop qui m’ont amené à ce style. Surtout le rap, d’ailleurs, avec Wu-Tang Clan, Madlib ou encore MF Doom, autant de groupes et artistes qui utilisent beaucoup de samples de cette période. J’ai alors cherché et collectionné les disques des années 60. Le punk-metal, lui, m’a amené vers des sonorités plus sombres et aussi vers les improvisations. Oui, c’est un chemin assez chaotique (rire) .

On parle beaucoup de rock-psyché pour définir votre musique. N’est-ce pas réducteur?

Le psyché, à mes yeux, ce n’est pas un style mais plutôt une période. Déjà à l’époque, on fourrait tout là-dedans, et c’est pareil aujourd’hui, vu que le terme est revenu à la mode et que ça arrange les producteurs, tourneurs et journalistes… Moi, j’ai l’impression de faire de la musique qui emprunte aux années 60-70, et qui apporte aussi des choses plus récentes, du rap à l’électronique en passant par la chanson française. Bien sûr qu’entre les effets que j’utilise et mes différentes expérimentations, les références au psychédélisme sont évidentes, sensibles. Mais il ne faut pas s’arrêter à ça, même si j’ai les cheveux longs et que je joue sur des instruments « vintage »…

Justement, vous réhabilitez l’usage du clavecin et de vieux effets. Êtes-vous fétichiste ou plutôt nostalgique?

Un peu des deux. Nostalgique car ces sons me ramènent à une époque révolue que j’aime retrouver. Fétichiste aussi, car je passe une bonne partie de mon temps à chercher de vieux instruments sur le net.

Voux travaillez dans l’univers du clip (Disclosure, Dizzee Rascal….) et vous avez aussi réalisé des courts métrages. Comme l’illustre Rhapsode , le cinéma et la musique sont étroitement liés chez vous…

Oui, même si ce que je fais sous le nom Forever Pavot est plus sérieux et premier degrés que mes vidéos, plus burlesques, sauf pour le clip d’Alt-J. Ce sont en tout cas toujours deux choses que je fais parallèlement depuis que je suis adolescent.

C’est peut-être pour cela que l’on parle, avec votre projet, de musique cinématographique. Dans ce sens, aviez-vous des images particulières en tête quand vous composiez Rhapsode ?

Franchement, j’écris comme n’importe qui. Je n’ai pas de visions! Des gens m’ont déjà demandé si j’avais des images de films en tête quand je composais. Ce n’est pas le cas, et ça reste toujours compliqué d’expliquer ce qu’on a dans la tête durant deux ans… Disons que le côté qui ressort le plus sur ce disque, selon moi, c’est l’aspect terrorisant – et c’est pour cela que le clavecin me plaît vachement  – même si on trouve des chansons joyeuses. Voilà, que l’on parle de pop, de psyché ou encore de rock progressif, j’essaie d’apporter quelque chose de hanté à ma musique.

Sur cet album, vous jouez tous les instruments. En tant que homme de studio, comment avez-vous appréhendé la scène?

J’avais déjà sorti deux EP avant Rhapsode , et j’étais donc déjà rompu à l’exercice du « live ». Ce qui n’empêche pas que je n’ai jamais trop été attiré par la scène. Je suis quelqu’un d’assez réservé, mais j’ai dû forcer ma nature. Avec le temps, on s’y fait! Et aujourd’hui, j’adore ça. Cette année, on a fait de superbes concerts et de belles rencontres.

Ça n’a pas du être facile d’adapter Rhapsode , album à multiples couches, sur scène?

Ça a pris beaucoup de temps pour trouver les arrangements pour le « live ». L’album contient, notamment, beaucoup de couches de claviers. Et comme je n’ai pas quinze mains, j’ai dû trouver des solutions… D’ailleurs, c’est aussi pour cela que j’ai pris du temps – près de deux ans – pour dénicher le bon groupe d’amis avec qui je voulais jouer. D’ailleurs, ça s’entend sur scène : ils ont un sacré bon feeling, sans oublier le fait qu’ils sont bien meilleurs musiciens que moi (rire) . Du coup, le résultat est plus rock, plus vivant. En fait, c’est mieux que le disque!

Quels sont vos projets?

J’ai envie de puiser encore plus dans la musique française des années 60-70, affiner cette touche, cet héritage de Gainsbourg à Vannier. Bref, être un peu moins américain. En même temps, j’aime être imprévisible. J’ai le temps pour moi. En outre, j’ai deux ou trois trucs qui vont sortir en janvier, notamment un chez Born Bad, en l’occurrence un EP avec deux autres artistes du label : Julien Gasc et Dorian Pimpernel.

Grégory Cimatti

Forever Pavot. De Gudde Wëllen – Luxembourg. Le vendredi 18 décembre à 22 h.