La fin de quelque chose, le début d’une autre… Les Rotondes abordent l’été sous le signe de la fête, des confettis et du Covid Check, pour un retour à la normalité qui promet d’être joyeusement bruyant.
«C’est le retour des vrais concerts !» Sous la chaleur de la cour des Rotondes, à peine protégé par une tonnelle noire, Marc Hauser jubile de pouvoir enfin aborder une saison «normale». En 2021/2022, les Rotondes seront sous le signe des confettis, accessoires de fête indispensables, et dont la variété des couleurs fait écho à celle de la programmation. Musique, arts de la scène, expositions, ateliers… Impossible de faire comme si de rien n’était, mais aux Rotondes, le retour à la normalité est accueilli avec une joie immense. L’affiche le prouve : ce sont des confettis, encore, qui remplacent les deux cercles du fameux logo, comme deux trous donnant à voir un aperçu du sentiment de fête qui va s’emparer de la saison à venir.
Dans la cour des deux bâtiments qui jouxtent la gare de Luxembourg, on n’a pas vraiment la tête à dresser le bilan de la parenthèse désenchantée de la crise sanitaire. Au contraire, la tête est plutôt tournée vers l’avenir. Et à raison, puisque la présaison arrivera vite, avec le coup d’envoi, le 23 juillet, des Congés annulés. L’évènement estival incontournable des Rotondes fait son retour en grande pompe, et pour la deuxième année consécutive dans sa formule en plein air. Mais avec un changement de taille, prévient le responsable de la programmation musicale : «Les concerts auront lieu debout, avec une jauge à 100% et sans masque.» Le détail qui change tout. Du «live» comme avant, mais à une condition : Covid Check, ou la preuve que les spectateurs assistant aux concerts sont bien vaccinés. Pour les autres, un test sera effectué à l’entrée, et en cas de résultat négatif, s’appliqueront les mêmes règles que pour les détenteurs du passeport vaccinal, autrement dit, les conditions normales attendues par tous depuis un an et demi.
Des Congés annulés XXL
«Cette année, on aura 34 jours de programmation, contre 23 l’année dernière», indique Marc Hauser. Des Congés annulés XXL, donc, avec «environ 20 groupes programmés pour l’instant, auxquels s’ajouteront une dizaine d’autres, et sans compter les DJ sets, les marchés et les projections de documentaires». Entre fin juillet et fin août, c’est clair, les Rotondes seront «the place to be». La programmation finit de le confirmer : la sensation post-punk de South London Dry Cleaning, la cumbia psychédélique 100% féminine de Los Bitchos, la pop avant-gardiste et décomplexée de Faux Real ou encore l’inclassable Gruff Rhys. Les groupes locaux ne sont pas en reste, des figures luxembourgeoises de la pop-folk Seed To Tree à Francis of Delirium, qui présenteront d’énigmatiques Orchestral Sessions, signant là la fin de leur résidence aux Rotondes.
Et comment passer à côté de Black Country, New Road, la tête d’affiche du festival ? D’autant plus que les nouveaux maîtres du post-rock britannique «viennent après deux reports, précise Marc Hauser, d’abord pour les derniers Congés annulés puis en février». Parfois, le temps fait bien les choses : depuis leur première annulation, le groupe a sorti son premier album, For the First Time, salué unanimement par la presse spécialisée. Un coup de chance inattendu qui transforme le concert en véritable évènement. Black Country, New Road est «très représentatif des groupes qui sont dans notre viseur. L’été dernier, l’album n’était pas encore sorti, c’était leur première tournée et les projecteurs n’étaient pas encore sur eux. Aujourd’hui, leur succès nous est bénéfique.»
Un casse-tête international
Si le groupe n’en est qu’un exemple, Marc Hauser se félicite d’avoir pu intégrer à la programmation musicale de cette saison la quasi-totalité des reports et annulations de la saison précédente. Toujours à propos de Black Country, New Road, le programmateur révèle que les Rotondes «les a récupérés de justesse entre deux festivals, l’un en Allemagne et l’autre en Suisse». Et affirme «gagner au change» aussi sur d’autres dates, comme le concert de Pantha Du Prince. L’expert allemand de l’electro expérimentale et minimaliste, qui n’avait pas sorti d’album depuis 2016, devait jouer l’année dernière en solo, avant d’annuler. Ce sera finalement cette année, en novembre, et «avec son projet du moment, Conference of Trees», qui donne son nom à son nouvel album.
Le Luxembourg souffre de la pandémie comme tous les autres pays, mais en ce qui concerne les mesures sanitaires, force est de constater qu’il a un temps d’avance sur les autres, ce qui était déjà visible depuis la réouverture des lieux culturels le 13 janvier, quand tous ses voisins, notamment, allaient rester confinés pendant plusieurs mois encore. Le désavantage est à trouver du côté de la programmation, un vrai casse-tête quand il s’agit d’inviter des groupes internationaux. Marc Hauser ne cache pas que sa grande crainte concerne «les Britanniques». Lui qui voulait inviter Squid, le groupe de post-punk de Brighton, devra faire sans; pour les autres invités d’Albion, un petit doute plane encore, mais sans trop faire d’ombre à son optimisme, ni à la fierté de faire partie des rares à qui des groupes d’outre-Manche ont répondu à l’appel. Il assure toutefois qu’«il n’est pas forcément plus facile» d’inviter des groupes au sortir de la pandémie. «La saison dernière, on a eu pas mal de groupes qui ont refusé de venir parce qu’ils n’étaient pas en tournée ou parce qu’ils ne voulaient pas jouer devant un public assis et en capacité réduite.» Deux données qu’il faut désormais ne plus prendre en compte.
Soutenir la création
L’application Covid Check sera toujours nécessaire pour assister aux autres spectacles, jusqu’à un futur assouplissement – dans le meilleur des cas – des mesures, et un retour définitif à la normale. Seuls les accès aux expositions ne le rendront pas obligatoire, la libre circulation du public réclamant par contre le port obligatoire du masque pendant la visite. Du côté des arts de la scène, «on a essayé de retrouver une cadence normale», explique Joëlle Linden, chargée de projets arts de la scène. Au programme, «une trentaine de spectacles, auxquels s’ajoutent des projets participatifs, des ateliers»… Tout cela a été long à mettre en place, mais on peut commencer à souffler. «Programmer quand il n’y a pas de festivals, c’est très complexe. Les compagnies que l’on a accueillies durant la saison 2020/2021 ont, pour beaucoup, joué leur seule date. Une partie d’entre elles ont trouvé très complexe de se remettre dans le bain, de reprendre le travail de répétitions, tout cela pour une seule représentation.»
Les Rotondes sont un lieu de spectacle vivant, un terme utilisé à point nommé pour ce retour à la normale, et qui souligne aussi l’avènement d’une saison «exceptionnelle» pour la programmation des arts de la scène. Joëlle Linden : «On a voulu soutenir beaucoup de compagnies actuellement en création, après une année difficile pour elles. Il faut qu’elles puissent se projeter dans l’avenir et envisager la suite. C’était important pour nous.» Ce sont dix coproductions estampillées Rotondes qui seront présentées cette année, dont deux qui feront leur première sur le site. La plus attendue, en novembre, sera la nouvelle pièce de Jill Crovisier, Sahasa, dans laquelle la chorégraphe fait se mélanger les formats (scène et vidéo) et les styles (danse, football freestyle, freerun). «Beaucoup de nouveautés, indique Amandine Moutier, mais pas mal de projets reconduits aussi», annulés ou non. Les malheureux Chrëschtdeeg, qui n’ont pas eu lieu l’année dernière, ou le Hip Hop Marathon, «dans une version sans masque et avec des lieux de représentation supplémentaires» – le CAPE, à Ettelbruck, et la Rockhal, à Esch-sur-Alzette –, poursuit la médiatrice, reviendront en 2021/2022, tout comme la Geek Foire, dont la première édition, fin mai, avait été un franc succès.
Toutes les conditions sont donc réunies pour que le public, à l’intérieur et au-delà des frontières du Luxembourg, se retrouve aux Rotondes pour profiter de la riche programmation de la nouvelle saison, qui débutera avec le Super Maart, marché dédié au «lifestyle» urbain et à la culture locale, le week-end des 25 et 26 septembre. Quant à la fréquentation, Marc Hauser analyse : «Dans un premier temps, il y aura forcément beaucoup de public pour assister aux évènements, surtout dans des conditions normales. Après, ça va se tasser… Mais quand la donne change, c’est à nous de rendre les choses un peu plus sexy pour que le public s’intéresse à notre programmation.» La messe est dite.
Valentin Maniglia
La saison 2021/2022 en quelques chiffres
34 jours de programmation pour les Congés annulés.
9 concerts programmés dans la saison.
30 spectacles, parmi lesquels :
10 coproductions,
7 pièces luxembourgeoises,
2 premières.
5 expositions.
7 marchés.