L’OMS annonce officiellement la fin de l’épidémie d’Ebola, qui a fait plus de 11 000 morts en deux ans, essentiellement en Afrique de l’Ouest. Reportage auprès d’orphelins en Guinée.
Il a perdu son père et sa mère dans l’épidémie d’Ebola en Guinée, mais Sâa Mathias Lénoh, lycéen à Conakry, « retrouve le sourire petit à petit ». Comme lui, des milliers d’orphelins du virus reprennent difficilement le cours de leur vie.
Plus de 22.000 enfants ont perdu au moins un de leurs parents dans un des trois pays d’Afrique de l’Ouest les plus touchés, dont plus de 6.000 en Guinée, selon l’Unicef, le Fonds des Nations unies pour l’enfance.
« Les enfants ont vraiment souffert tout au début. Parce que quand on se rend compte qu’il y a l’épidémie dans une famille, automatiquement ces enfants-là sont stigmatisés. Les voisins, les enfants voisins qui avaient l’habitude de jouer avec eux, d’aller à l’école avec eux, sont empêchés par leurs parents », selon Yaya Diallo, un responsable de l’ONG Plan International en Guinée.
« Et les parents aussi, ne voulant pas supporter ça, enfermaient presque les enfants à la maison, d’autres ont fait même carrément déplacer les enfants pour les amener dans des communautés loin des leurs », a-t-il expliqué.
Au plus fort de l’épidémie, à l’été et l’automne 2014, les organisations internationales déploraient que cette épidémie terrifiante et hautement mortelle, jusqu’alors inconnue en Afrique de l’Ouest, ne brise les traditionnelles solidarités familiales, comme même le Sida ne l’avait pas fait. Avec à l’époque la crainte de voir des milliers d’enfants totalement abandonnés.
Mais depuis, la quasi totalité ont été accueillis au sein de la famille élargie, comme souvent sur le continent, s’est félicitée l’Unicef en 2015.
« Arrêter les études »
« Aujourd’hui, aucune étude n’indique qu’un enfant traîne encore dans la rue parce que son parent est mort d’Ebola », se réjouit M. Diallo, précisant que son ONG a apporté aux enfants un soutien « psycho-social » mais aussi distribué de la nourriture, de l’équipement et des kits d’hygiène aux familles d’accueil.
Malgré cette solidarité, les orphelins ont « connu une vie difficile », comme le résume pudiquement Sâa Mathias Lénoh, 18 ans, dont les deux parents et une sœur sont morts d’Ebola.
« N’eût été notre frère aîné, je me demande comment j’aurais continué mes études », dit-il, « Heureusement, dans mon école, personne ne sait que je suis un guéri d’Ebola. Sauf mon directeur, avec qui j’ai discuté. Il m’encourage souvent et me réconforte ».
« J’ai été contraint d’arrêter mes études universitaires pour travailler », explique l’aîné, Emmanuel Lénoh.
« Je suis traumatisé parce que j’ai perdu mes parents en une semaine » en octobre 2014, dit-il, précisant que sa mère, commerçante, a contracté le virus lors d’un de ses fréquents voyages en Sierra Leone voisine, avant de contaminer le reste de la famille.
« Aujourd’hui, je ne peux plus terminer mes études. sans moi, le reste de ma famille ne peut pas continuer les études », ajoute-t-il.
Le Dr Jean Pé Kolié de l’Université publique de Conakry, médecin, déplore qu’il n’existe « pas de programme proprement dit concernant l’insertion des orphelins d’Ebola. Il n’y a pas de soutien de l’Etat, ni de financement visant à créer un projet pour s’occuper de l’insertion des enfants ».
« Nous nous battons pour l’insertion des enfants et la distribution des fournitures scolaires. Nous avons des programmes avec certains partenaires », indique-t-il, citant des agences de l’ONU, comme le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Unicef.
« Il y a un appui pour les guéris, certes, mais pas pour les orphelins », déplore-t-il.
Le Quotidien / AFP