Interpellé par le CSV, le Premier ministre, Xavier Bettel, a fustigé mardi une «suspicion généralisée» du secteur cinématographique concernant de présumés dysfonctionnements. La justice est saisie.
Installé en tribune de la Chambre, le directeur du Fonds national de soutien à la production audiovisuelle (Film Fund), Guy Daleiden, n’a pas bronché. Au vu des reproches et critiques formulés par le député CSV Félix Eischen, il s’est peut-être vu par moments comme figurant dans un mauvais film, mais sans aucune surprise, l’homme fort du Film Fund a pu compter sur le plein soutien de la part du Premier ministre qui, en tant que ministre de la Communication et des Médias, possède la tutelle sur le Fonds. «Est-il dorénavant accepté de formuler des reproches arbitraires à l’égard d’un fonctionnaire assermenté?», a lancé Xavier Bettel lors de sa réplique. Il a souligné «refuser toute suspicion généralisée» du secteur et annoncé laisser le soin à la police et au parquet de trancher certaines allégations formulées dans le cadre de la discussion de l’audit réalisé sur le fonctionnement du Film Fund.
Le député CSV Félix Eischen est monté mardi au front pour dénoncer des «décisions arbitraires» prises par le Film Fund. En même temps, il a été obligé d’avouer que «pendant des décennies, la Chambre n’a pas réussi à jeter un regard derrière les coulisses du Film Fund». Il en conclut sur la base des éléments obtenus ces dernières semaines que le Fonds est «devenu un État dans l’État». Le député a notamment fait référence aux témoignages publiés dans le cadre d’un reportage réalisé par nos confrères de RTL. «On y a évoqué que les intermittents du spectacle font face à la précarité. Ils sont payés loin en deçà du salaire social minimum», dénonce notamment Félix Eischen.
Un demi-milliard d’euros attribué
D’autres accusations formulées dans ce reportage ont concerné l’achat de voitures et de meubles qui auraient été financés par les subventions étatiques alors qu’ils n’ont jamais servi sur un tournage. Le Premier ministre a saisi le parquet sur ces points précis. «Le Film Fund accorde des subventions et n’a certainement encore jamais financé l’achat de voitures ou de meubles. Mais si on affirme que des bilans ont été falsifiés, il faut le dénoncer à la justice. Si cela s’avère être vrai, le Film Fund et l’État seraient les premières victimes», insiste Xavier Bettel. En même temps, le ministre en charge des Médias a condamné, comme le CSV avant lui, la menace adressée à notre consœur Annick Goerens, à la base de l’enquête sur le Film Fund, diffusée par RTL.
Pour le reste, Xavier Bettel a précisé toujours accorder sa confiance aux gestionnaires du Fonds et aux auditeurs, qui révisent tous les ans les comptes. «Il n’existe pas de zone grise. Le réviseur soumet son rapport pour adoption au conseil d’administration et au Conseil de gouvernement», tient à rappeler Lydia Mutsch (LSAP).
Depuis ses débuts en 1990, le Film Fund a accordé près d’un demi-milliard d’euros au secteur de la production audiovisuelle. Pour 2020, le budget doit augmenter à 41 millions d’euros. Le moratoire demandé par le CSV sur toute hausse du budget accordée au Film Fund n’a pas obtenu de soutien à la Chambre. «Instaurer un tel moratoire n’est pas une bonne idée. Il aurait pour conséquence de punir une large frange d’acteurs alors que seuls quelques-uns seraient fautifs», fait remarquer Marc Baum (déi Lénk). Djuna Bernard (déi gréng) a été d’accord sur le fait de ne pas «discréditer tout un secteur». Fidèle à Superjhemp, héros national de la BD, elle a tenu à dire «Ma Poznennö!» (NDLR : à traduire par Nom de dieu!). Laissez-nous soutenir le secteur cinématographique sur le plan qualitatif et quantitatif.» Le rideau n’est cependant pas encore tombé. Il reviendra au parquet d’éclairer les derniers détails des coulisses du Film Fund.
David Marques