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Festival d’Avignon : les exilés et les dissidents à l’honneur


Olivier Py lui-même poursuit son travail avec les prisonniers avec Macbeth, après Antigone l'année dernière. (photo AFP)

Le metteur en scène Kirill Serebrennikov, assigné à résidence à Moscou, sera la star absente du Festival d’Avignon 2019 (4-23 juillet), dont la programmation dévoilée mercredi veut faire entendre la voix d’exilés et de dissidents.

L’édition de cette année opérera un « renouvellement esthétique » car plus des deux-tiers des artistes invités ne sont jamais venus au Festival, selon son directeur Olivier Py. La quarantaine de spectacles 2019 ont globalement pour thématique l’Odyssée : le texte d’Homère mais surtout des pièces sur le voyage, l’exil, les migrants.

Comme il l’a fait récemment pour un opéra monté à Hambourg, Kirill Serebrennikov, enfant terrible du théâtre russe accusé de détournement de fonds et assigné à résidence depuis deux ans, va tenter de monter à distance, à travers ses assistants, la pièce Outside sur le photographe chinois Ren Hang, censuré pour son œuvre osée et qui s’est suicidé à 29 ans en 2017.

Deux autres spectacles évoquent la Chine et la dissidence. Chef-d’œuvre de la littérature chinoise, La maison de thé du grand écrivain Lao She – une des premières victimes de la Révolution culturelle – sera mis en scène par Jinghui Meng. « Un spectacle grandiose avec 25 acteurs, des décors délirants », d’après Olivier Py. Le chorégraphe chinois Wen Hui s’associe avec la Tchèque Jana Svobodova pour monter Ordinary people, « une volonté politique forte de faire entendre la voix de ceux qui en sont dépourvus ».

Europe, politique…

Du Brésil, la metteure en scène Christiane Jatahy va mélanger théâtre et cinéma pour raconter des témoignages tirés de ses voyages mais aussi évoquer l’Amazonie et les craintes de destruction sous Jair Bolsonaro. Autre spectacle brésilien, cette fois musical, de Tigana Santana sur la censure et la colonisation.

La Cour d’honneur du Palais des papes, lieu de naissance du Festival en 1947 qui a accueilli les plus grands noms du théâtre, sera confiée cette année à l’auteur et metteur en scène français Pascal Rambert avec Architecture, et une distribution de stars : Emmanuelle Béart, Audrey Bonnet, Jacques Weber, Marina Hand, Stanislas Nordey, Denis Podalydès, entre autres. Le spectacle brosse le portrait d’une famille déchirée – thème de prédilection de Rambert – pour en faire « une métaphore de la famille européenne », selon Olivier Py.

Quatre jeunes metteurs en scène sont à l’affiche : Clément Bondu avec Dévotion qui parle d’un poète qui convoque dans sa chambre tous les exilés du monde; Julie Duclos avec Pelléas et Mélisande de Maeterlinck; Maëlle Poésy avec sa version de l’Enéide de Virgile et Tommy Milliot qui met en scène La brèche, un texte de Naomi Wallace sur le viol d’une adolescente. La metteure en scène engagée Irène Bonnaud s’empare du dernier scénario de Pasolini qu’il n’a pas pu tourner avant son assassinat : Amitié, l’histoire extravagante sur un roi mage qui arrive trop tard pour voir le Christ.

Climat et chromosomes

La franco-roumaine Alexandra Badea présente Points de non-retour sur la Guerre d’Algérie, sujet sensible très peu traitée dans le théâtre français. Spécialiste du théâtre musical, Roland Auzet présentera Nous l’Europe, banquet des peuples, un texte commandé spécialement pour Avignon à l’écrivain Laurent Gaudé. Macha Makeïeff s’inspire de Lewis Carroll et Daniel Jeanneteau, d’un texte du dramaturge britannique Martin Crimp.

Olivier Py lui-même poursuit son travail avec les prisonniers avec Macbeth, après Antigone l’année dernière. Tradition du festival, le « feuilleton », un spectacle sur plusieurs jours en plein air est confié à la metteure en scène Blandine Savetier qui déroulera l’Odyssée d’Homère en 13 actes. Le Britannique Akram Khan fait la deuxième Cour d’honneur avec Outwitting the devil, sur l’homme qui détruit la planète et son compatriote Wayne McGregor qui va créer un spectacle « autobiographique » en s’inspirant de ses…chromosomes.

LQ/AFP