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Fessenheim : guerre des voisins autour de la centrale nucléaire


Seuls quelques kilomètres séparent la commune alsacienne de Fessenheim, qui défend sa centrale nucléaire menacée de fermeture, et les communes allemandes voisines : pourtant, l’incompréhension entre les deux côtés du Rhin est profonde, le souhait de préserver des emplois se heurtant à la peur d’un accident nucléaire.

Omniprésent depuis l’élection de François Hollande qui a promis de la fermer, le débat autour de la doyenne des centrales françaises a été relancé la semaine dernière par les médias allemands, qui ont affirmé qu’un incident survenu en avril 2014 s’était avéré plus grave qu’annoncé.

Dans la petite commune alsacienne de 2.300 habitants, une banderole proclame depuis l’élection de François Hollande « ensemble, préservons la centrale nucléaire », juste devant la mairie. « Il y a un peu d’agacement et même presque de la colère, un ressentiment anti-allemand par rapport à ce qui est vécu comme une ingérence dans la souveraineté de la France », note le maire sans étiquette, Claude Brender. Celui-ci ne cache pas que la centrale constitue une manne financière pour la commune, située dans la région défavorisée de la Hardt.

4 millions d’euros par an pour la commune

La centrale fait ainsi entrer près de 4 millions d’euros par an dans ses caisses, sur lesquels il lui reste environ un million pour faire des investissements. Fessenheim a ainsi pu se doter d’une médiathèque et d’un musée Victor Schoelcher.

Claude Brender compte sur le retour de la droite au pouvoir pour sauver la centrale, et le dynamisme de la commune avec elle. « S’il n’y a pas d’alternance en 2017, clairement on est mort », lâche-t-il. Au-delà des 1.100 personnes directement employées par la centrale, le site fait aussi vivre de nombreux commerçants de la ville. « On va se retrouver tous au chômage s’ils ferment la centrale et de toute manière, c’est la mieux sécurisée de France », s’impatiente Loïc Marten, serveur dans un restaurant de Fessenheim.

« Dès qu’on évoque la centrale, les gens sont prêts à l’affrontement »

Tout en espérant pérenniser la centrale, les élus préparent l’après en tentant de diversifier les activités économiques, mais admettent qu’il sera difficile de remplacer l’activité industrielle qu’elle représente. Une pépinière d’entreprises a été ouverte, mais « on a eu le cas de quelques porteurs de projets qui, à cause de l’incertitude liée au devenir de la centrale, n’ont pas créé leur entreprise à Fessenheim, par crainte de perdre de potentiels clients ou partenaires », reconnaît Yannick Schwebel, responsable du pôle économique de la communauté de communes Essor du Rhin.

Pourtant, malgré son poids économique, tous les habitants de Fessenheim ne souhaitent pas voir l’activité de la centrale prolongée. Gabriel Weisser, un riverain qui se présente comme un simple « écocitoyen », a lancé une pétition pour demander une enquête parlementaire sur l’incident de 2014. Il se heurte toutefois à l’hostilité de nombreux habitants de la commune. « Dès qu’on évoque la centrale, on sent que c’est le casus belli, les gens sont prêts à l’affrontement », déplore-t-il.

« Fermer immédiatement »

En Allemagne, à seulement 5 km de là, les avis sur la centrale sont nettement plus tranchés. « Il faut la fermer immédiatement, parce qu’elle n’est pas sûre, trop vieille et trop proche de chez nous », insiste Hans Peter Joswig, un septuagénaire habitant Heitersheim (Bade-Wurtemberg), qui souligne que « la politique d’information de la population est très médiocre ». Un avis partagé par toutes les personnes interrogées dans cette petite ville coquette au pied de la Forêt Noire.

« S’il y a un problème grave à Fessenheim, ce seront les Allemands qui seront les plus touchés, à cause des vents qui soufflent majoritairement du Sud-Ouest, et Fribourg sera la première grande ville concernée », explique Jürg Stöcklin, président de l’Association trinationale de protection nucléaire, qui regroupe des communes suisses, allemandes et une seule française.

Alors que l’Allemagne, en pleine transition énergétique, arrête progressivement ses propres réacteurs nucléaires, le ministre de l’Environnement du Bade-Wurtemberg, Franz Untersteller, a écrit à Ségolène Royal pour lui demander l’arrêt « le plus tôt possible » de la centrale.

Tout en plaidant ardemment pour la fermeture, le maire social-démocrate d’Heitersheim, Martin Löffler, évoque pour sa part la possibilité d’aider Fessenheim à se reconvertir économiquement, en misant sur les besoins de main-d’œuvre non pourvus côté allemand.

Le Quotidien / AFP

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