La filière artistique de neuf lycées du Luxembourg affiche sa richesse et ses idées aux Rotondes. XPO E, troisième du nom, donne un bienveillant aperçu des promesses de demain.
Ce soir, on imagine facilement la frénésie et l’effervescence qui vont régner aux Rotondes. Imaginez tout de même : quelque 622 élèves avec leurs familles sont attendus pour le vernissage d’XPO E, rendez-vous qui célèbre l’art à l’état de bourgeon, en l’occurrence celui créé au cœur des lycées, au sein de la section E. «Oui, il va y avoir du monde!», songe dans un sourire Marc Scozzai, responsable «arts visuels», et ce pour plusieurs raisons.
D’abord parce que les mesures sanitaires s’assouplissent, que les masques tombent et les sourires renaissent. Ensuite parce que pour beaucoup, cette exposition sera une première confrontation avec le grand public. Un décloisonnement qui s’inscrit dans l’ADN même du projet, lancé en 2009 : «On donne la possibilité à ces jeunes créateurs de montrer ce qu’ils font, à le rendre visible en dehors de l’école, à se confronter à un autre regard» que celui des copains, des enseignants et du cercle familial.
Une transparence bénéfique pour tout le monde : dans une sorte de bilan de compétences (certes cadré, mais plus festif et ludique), les lycéens affichent là leurs progrès, tant individuels que collectifs, racontant en creux les idées et autres préoccupations de la nouvelle génération (comme c’est déjà le cas avec la Triennale jeune création). Un état des lieux qui permet également de souligner tout l’intérêt de la section consacrée aux arts plastiques, face aux clichés persistants qui collent à la peau des filières artistiques et ses débouchés.
Deux artistes-guides auprès des élèves
C’est sûr, comme le dit Marc Scozzai, «tous ne deviendront pas artiste», et certains finiront dans l’enseignement ou le social (ce qui, attention, n’a rien de condamnable). Mais parallèlement, les horizons qui s’offrent à eux sont multiples, hétéroclites, à l’image de cette vaste et généreuse réunion (graphisme, animation, design…). Rappelons au passage, pour les médisants, que la section E, comme toutes celles de l’enseignement secondaire classique, offre un enseignement de culture générale préparant aux études universitaires.
D’ailleurs, le lycée de Redange, en 2021, a ouvert la sienne, et Steph Meyers lui-même, directeur des Rotondes, est passé par la filière. Preuve qu’elle mène à tout! En outre, en 2009, à l’occasion du trentième anniversaire de la section E, les Rotondes (alors CarréRotondes) avait convié d’anciens élèves à se mêler à ceux qui fréquentaient alors les bancs d’école. Parmi les invités, on trouvait notamment Michel Majerus, Beryl Koltz ou Jeff Desom. «Cette confrontation ouvre des perceptives, permet de mieux se projeter dans l’après», soutient Marc Scozzai. Une approche d’autant plus sensible qu’aujourd’hui, on demande aux étudiants (quels qu’ils soient) de trouver leur voie de plus en plus tôt.
Cependant, plutôt que de répéter ce qui a déjà été fait il y a treize ans, XPO E a, pour sa nouvelle mouture, demandé pour la première fois à deux artistes de servir de guides-intervenants à ces artistes en herbe : Guillaumit (il signe notamment le graphisme du festival PICelectroNIC) et la photographe Jeanine Unsen, déjà présente en 2009. Durant des ateliers de «trois-quatre heures» donnés dans les différents lycées participants, cette dernière n’a pas seulement transmis sa technique mais aussi son vécu. Sans filtre. «Elle a parlé des galères qu’elle a connues. Être face à la réalité d’une expérience, c’est important», témoigne le responsable «arts visuels» des Rotondes.
Autoportraits et timbres-poste
Son défi à lui tenait à une interrogation : «Comment mettre en valeur tous ces travaux très différents?» Contrairement à la dernière édition de 2017 et sa scénographie «ramassée», celle-ci respire et met en relief, effectivement, un assemblage disparate fait de gros œufs (Pâques arrive!), de clichés tout aussi imposants et de petits portraits. «Il y a de petites merveilles!», s’enthousiasme Marc Scozzai, dans une fierté de père, devant ce travail qui s’est construit dans la peine, au gré des classes fermées ces deux dernières années.
Concrètement, XPO E s’articule autour de quatre axes, comme autant de spécialités : «Design / Conception 3D», «Histoire de l’art», «Communication visuelle» et «dessin». Et d’un fil rouge : l’évolution. Au bout du compte, après un report (l’exposition a été décalé d’une année avec le covid) et des mois de travail, on découvre une panoramique fresque numérique (animée par Guillaumit), faite de dessins réalisés à l’aide du logiciel ProCreate; des clichés basés sur le portrait; des œufs, donc, de deux mètres de haut, «stylisés» et accompagnés de planches d’esquisses; et enfin, plus de 500 autoportraits, mélangés à souhait et aux humeurs plus ou moins joyeuses.
Preuve, s’il en faut encore une, que la section E présente des perceptives insoupçonnées, l’exposition montre le résultat du concours lancé à la rentrée 2019, soit la réalisation… d’un timbre-poste! Le plus réussi a même été mis en circulation l’année suivante (le lauréat est du lycée Michel-Rodange). Après autant d’efforts et de si belles intentions, on se dit qu’une école d’art ne ferait pas de trop dans le paysage au Luxembourg. Les promesses, ça se soigne.
Rotondes – Luxembourg.
Vernissage ce soir à 18 h.
Jusqu’au 17 avril.