Après trois ans et demi d’exploitation au CNA, la collection «The Bitter Years» d’Edward Steichen fait peau neuve.
C’était un des bébés favoris de Jean Bach», précise Paul Lesch, convoquant l’esprit de son prédécesseur pour parler de «The Bitter Years» acte II, inaugurée hier au Waassertuerm (château d’eau) de Dudelange. Une collection internationalement connue qui, reconnaissons-le, fait la fierté du CNA tout entier. Pour le comprendre, il faut remonter à la genèse de ce projet XXL et ses quelque 270 000 négatifs témoignant de l’Amérique rurale lors de la Grande Dépression, en pleine crise financière et environnementale.
Un témoignage photographique unique de ces États-Unis en proie à la famine, au chômage et à la pauvreté, réalisé par douze représentants de la discipline – aujourd’hui mondialement connus tels que Walker Evans, Dorothea Lange, Arthur Rothstein ou Russell Lee – commandé par la FSA (Farm Security Administration) pour soutenir la politique du New Deal sous Roosevelt. L’enfant du pays, Edward Steichen, alors directeur du département de la photographie au sein du MoMA de New York, va mettre ce travail en lumière à travers une exposition qui fera date, lui qui considérait ces clichés comme «les documents humains les plus remarquables jamais rendus en images».
Le regard «humaniste» de Steichen
Après trois ans et demi d’exploitation, le CNA a rangé aux archives les premières photographies dévoilées pour en exposer 88 supplémentaires – parmi les 208 qu’il détient dans ses collections –, respectant à la lettre l’accrochage thématique et le concept historique initiaux. Si, dans le fond comme dans la forme, le changement est maigre, ce nouvel accrochage fait office de piqûre de rappel, renvoyant le public vers ces populations sans le sou, aux visages émaciés, vivant dans des abris de fortune et cultivant de vastes étendues de terres poussiéreuses.
Des familles entières vivant au rythme des migrations, des emplois précaires, souvent exploitées mais jamais résignées. Les têtes sont hautes, même si les habits sont rapiécés et que la faim tiraille. Derrière les attitudes, sûrement un peu de propagande politique et surtout le regard «humaniste» et bienveillant de son auteur. Un parcours immersif – «Steichen faisait confiance à la force des images», dixit l’organisation – qui s’achève à la pointe du château d’eau avec les métayers («Sharecroppers»), aux faciès bouleversants.
Grégory Cimatti
Waassertuerm (CNA) – Dudelange.