Le riche musée des Beaux-Arts de Montpellier entame la célébration de son bicentenaire en proposant la première rétrospective consacrée au maître de l’«outrenoir» depuis sa disparition en 2022.
S’il est né à Rodez, où un musée qui lui est entièrement consacré a ouvert il y a un peu plus de dix ans, Pierre Soulages (1919-2022), figure majeure de l’art contemporain, avait aussi développé de longue date des liens privilégiés avec Montpellier. Admis aux Beaux-Arts à Paris à la veille de la Seconde Guerre mondiale, il sèche les cours, préférant se former à Montpellier, où il rencontre en 1941 Colette Llaurens, qu’il épouse un an plus tard et ne quittera plus.
Visiteur assidu du musée Fabre, le jeune homme y admire en particulier les œuvres de Gustave Courbet, dont la toile La Rencontre, réintitulée Bonjour Monsieur Courbet (1854), prête son titre à l’exposition. En 1996, le peintre déclarait, au sujet du musée : «Ici, non seulement le reflet est pris en compte, mais il est partie intégrante de l’œuvre : il y intègre la lumière que reçoit la peinture – lumière changeante si c’est la lumière naturelle – et la restitue avec sa couleur.» Bien plus tard, en 2005, ce lien avec Montpellier et son musée se matérialisera par la donation par le couple Soulages de vingt toiles, accompagnées de dix dépôts. «Je souhaitais que le musée d’art ancien continue à apporter aux visiteurs ce qu’il m’a apporté», avait indiqué l’artiste à cette occasion. Avec un ensemble de 34 toiles réalisées entre 1951 et 2012, le musée Fabre possède désormais l’une des plus grandes collections de Soulages au monde.
Rembrandt, Picasso, Mondrian…
Plutôt qu’une rétrospective chronologique, les deux commissaires – le directeur honoraire du musée Fabre, Michel Hilaire, et la responsable des collections modernes et contemporaines, Maud Marron-Wojewodzki – ont choisi d’évoquer, au fil d’un parcours en six sections et 120 œuvres, la rencontre de Soulages «avec l’histoire de l’art qui l’a précédé, tout comme celle de son temps», expliquent-ils.
L’exposition s’ouvre par deux œuvres inédites, réalisées en 2020 et 2021. Puis, telles des stèles autour desquelles le visiteur évolue, trône au centre de chaque pièce une peinture, accrochée sur des cimaises aux tons sombres destinées à valoriser ce noir profond, à la matière apparente, que Pierre Soulages a baptisé l’«outrenoir».
Les œuvres exposées, dont de nombreux prêts de Colette Soulages et du musée de Rodez, «communiquent» avec des toiles de Rembrandt, Picasso, Courbet, Mondrian, Zurbaran ou encore Van Gogh, illustrant les recherches effectuées sur plus d’un demi-siècle par un peintre qui, dès l’après-guerre, travaillait la lumière et ses reflets, à mille lieues du moindre lyrisme. «Jusqu’à ce que, le 14 avril 1979, il ait l’audace de recouvrir totalement sa toile de noir», souligne Michel Hilaire, heureux de présenter ce premier Outrenoir, qui fait partie des collections du musée Fabre.
Balade poétique
L’exposition montre aussi une curiosité : la seule toile monochrome blanche de Pierre Soulages, qui «ne l’aimait pas» et que son épouse a sauvée de la destruction.
La visite de l’exposition peut se prolonger par une balade poétique en réalité virtuelle (sur réservation). Cette plongée dans l’univers du peintre, narrée par l’actrice Isabelle Huppert, permet de percevoir l’influence qu’a pu avoir sur ses peintures la mer Méditerranée, dont il embrassait du regard la ligne d’horizon depuis sa maison des hauteurs de Sète.
Le musée Fabre, propriété de la Métropole de Montpellier, a vu le jour grâce au peintre, collectionneur et mécène François-Xavier Fabre (1766-1837), natif de la ville, qui lui a donné une aura internationale par le don en 1825 puis le legs en 1837 de sa vaste collection de peintures, de dessins et de sculptures. Son bicentenaire sera célébré jusqu’en 2028, le musée ayant ouvert au public en 1828.
Jusqu’au 4 janvier 2026. Musée Fabre – Montpellier.