À Paris, le musée d’Orsay, spécialisé dans l’art occidental de 1848 à 1914, présente «Au-delà des étoiles», une exposition sur la quête mystique de peintres paysagistes de la Scandinavie à l’Amérique.
Lieu d’expérimentation plastique avec Monet, la peinture de paysage devient à l’orée du XXe siècle l’instrument d’une quête mystique où vont s’illustrer, à côté des artistes français ou italiens, des Scandinaves et des Nord-Américains souvent méconnus, à découvrir jusqu’au 25 juin au musée d’Orsay de la capitale française.
La quête mystique de ces artistes du paysage correspond à une période d’inquiétude des sociétés européennes, traversées par le positivisme, la prégnance des sciences, la nouvelle vision de l’homme élaborée par Freud», explique Isabelle Morin Loutrel, commissaire de l’exposition «Au-delà des étoiles – Le paysage mystique de Monet à Kandinsky» avec Beatrice Avanzi. Ces bouleversements vont profondément transformer le rapport de l’homme avec la nature et la peinture de paysage devient l’expression d’un paysage intérieur.
Avec cette exposition d’une cinquantaine de toiles, conçue en partenariat avec l’Art Gallery of Ontario à Toronto, «nous avons voulu jeter un nouveau regard sur cette peinture qui devient alors un lieu de questionnement de l’homme face à la nature, face au divin», souligne encore Beatrice Avanzi.
La capacité à provoquer la contemplation
L’exposition s’ouvre sur les séries de Monet sur les meules de foin ou la cathédrale de Rouen. Les préoccupations mystiques étaient absentes de la démarche du maître impressionniste, mais ces toiles, où le sujet disparaît presque complètement, sont aussi «un exemple de la capacité d’une œuvre à provoquer la contemplation». La recherche du sacré dans la nature est également présente dans la démarche d’artistes comme Paul Gauguin, Maurice Bernard ou les peintres Nabis (post-impressionnistes), tel Maurice Denis. Elle va même concerner des créateurs aussi différents qu’Odilon Redon ou Van Gogh, dont on peut admirer Le Semeur, exceptionnellement prêté par le Van Gogh Museum d’Amsterdam.
Chère au génie hollandais, la nuit est aussi un moment de mystère et de confrontation avec l’infini de la création. Méconnu, le Suédois Eugène Jansson lui a consacré l’essentiel de ses tableaux souvent fascinants. Autre virtuose des effets de lumière, le Français Charles-Marie Dulac. Devenu franciscain après avoir appris qu’il était atteint d’une maladie incurable, il exprime son sentiment de transcendance par des levers ou des couchers de soleil à Assise, dont le dépouillement confine à l’abstraction.
Vertigineux cosmos
Ces interrogations mystiques ne concernent pas seulement les peintres européens. Au Canada, se constitue en 1920 le Groupe des sept, de jeunes artistes que vont surtout influencer des peintres scandinaves, mais aussi le Suisse Ferdinand Hodler.
C’est à l’occasion d’une exposition à Buffalo (est des États-Unis) en 1913, que la vision mystique des grands espaces et de l’immensité de la nature développée par les peintres européens a rejoint les aspirations des jeunes Canadiens comme Tom Thomson, Frederick Varley, Lawren S. Harris ou Emily Carr, défenseure passionnée des cultures amérindiennes et des forêts de la Colombie britannique. Nourris des écrits de Ralph Waldo Emerson, Henry Thoreau, et Walt Whitman, ils traduisent dans leurs œuvres le «ravissement absolu» de l’homme devant la grandeur et la beauté de la nature.
Le cosmos, paysage vertigineux, a été le thème de prédilection de plusieurs artistes des deux côtés de l’Atlantique, influencés par le thème de la Création et le spiritisme. Les paysages des Américains Arthur Dove et Georgia O’Keefe semblent venus d’une autre planète, et les œuvres d’Hilma af Klint, réalisées après des expériences de spiritisme, rejoignent l’abstraction.
Le Quotidien/AFP
Jusqu’au 25 juin.