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Exposition – Les 58 familles qui ont fait le Luxembourg


La haute bourgeoisie du XIXeme a façonné le Luxembourg actuel. Les Archives nationales le rappellent avec leur exposition "Besser Famillen". (Photo : collection Rischard)

Les Archives nationales proposent, avec l’exposition «Besser Famillen», un regard historique et sociologique sur la bourgeoisie luxembourgeoise du XIXe, instigatrice du Grand-Duché actuel.

Metz, Pescatore, Servais, Boch… Ces noms demeurent, aujourd’hui encore, des références au niveau luxembourgeois. Ils désignent autant de familles bourgeoises qui ont pris, au XIXe siècle et en l’absence d’une grande noblesse nationale, les rênes de la politique, de l’économie et de

la culture grand-ducales. C’est la vie de ces familles que présente «Besser Famillen», l’exposition des Archives nationales conçue par Beryl Koltz et réalisée par Josiane Weber, auteure du livre Familien der Oberschicht in Luxemburg, point de départ du projet.

L’éducation, le mariage, la politique et l’économie et le mode de vie sont les quatre piliers de la grande bourgeoisie luxembourgeoise du XIXe siècle. Ces «besser Famillen» (meilleures familles) comme on dit en luxembourgeois, dans un mélange «de cynisme et de jalousie» précise Beryl Koltz, la conceptrice de l’exposition présentée aux Archives nationales. «On a voulu reprendre cette expression typiquement luxembourgeoise un peu intraduisible dans le titre de l’exposition pour son côté un peu provocateur», avoue-t-elle sans détour.

L’exposition, inaugurée la semaine dernière est sous-titrée on ne peut plus clairement «Bourgeoisie luxembourgeoise et formation des élites au XIXe siècle». Comme ça, les choses sont limpides. La rétrospective, visible dans ce long couloir qui sert d’espace d’exposition aux Archives nationales, reprend en quatre parties distinctes, les quatre piliers qui ont permis, pendant ce XIXe siècle qui a vu le pays gagner son indépendance et s’installer en tant que nation à part entière à cette haute bourgeoisie de s’installer durablement tout en haut de la société grand-ducale.

Éducation, mariage, tissu social et mode de vie, tout semble fait, à l’époque, pour empêcher toute possibilité d’ascenseur social et pour permettre à ces 58 grandes (pour ne pas dire meilleures) familles de garder la mainmise sur le pouvoir. Certes, la famille grand-ducale régnait déjà sur le pays, mais, contrairement à nos voisins français ou belge, l’absence au Luxembourg d’une noblesse forte a offert à cette bourgeoisie les clés de la nation.

Et les différences dans les origines des fortunes – grands propriétaires terriens, grands commerçants, industriels, hauts fonctionnaires… n’y changeaient rien. De toute façon, comme le montre bien l’exposition, toutes ces familles étaient étroitement liées les unes aux autres par des relations sociales, économiques, politiques, culturelles ou, bien sûr, par des mariages de raison.

Tout sur les notables

Principalement composée de grands tableaux explicatifs, l’exposition présente tout de même quelques belles pièces de l’époque issues de collections privées, des Archives nationales ou encore du Centre national de littérature.

On y trouve donc quelques tableaux celui de Norbert Metz (président de la Chambre des députés et industriel) est remarquable, de très nombreuses photos, des lithographies, des lettres, des cartes postales, des documents divers, mais aussi d’anciens bancs d’école, une robe de mariée, une table dressée comme à l’époque, etc. De quoi s’y croire un peu!

Le rôle des mères, et donc des femmes, les principes éducatifs dans les grandes écoles du pays ou des alentours, la formation des jeunes filles et des garçons, les programmes du lycée classique (9 h de latin et 4 h de grec en première, contre seulement 2 h de français et 2 h d’allemand), les choix professionnels dans ces grandes familles (31 % de leurs rejetons devenaient ecclésiastiques), les revenus annuels par catégorie professionnelle ou encore le nombre de domestiques par foyer (la plupart des familles se contentant d’un ou deux, mais d’autres en ayant jusqu’à huit à leur service)… Tout, on saura tout sur ces notables.

Les nombreuses photos actuelles des villas de ces familles (Pescatore-Dutreux, Servais-Boch, Servais-Majerus ou encore Metz-Tesch à Luxembourg, Lemort à Manternach, Thilges à Wiltz ou encore Blochausen à Birtrange) rappellent, encore une fois, à quel point ces familles ont traversé le temps et bien souvent gardé un vaste pan de leurs privilèges. Les responsables de l’exposition préparent d’ailleurs une table ronde pour septembre, sur les élites grand-ducales d’aujourd’hui. Le parallèle entre les deux époques devrait être des plus intéressants.

Pablo Chimienti

Archives nationales – Luxembourg. Jusqu’au 31 octobre. Entrée gratuite.