Il est le père du Mudam et de bien d’autres constructions d’exception : l’architecte sino-américain est raconté par son fils, à l’occasion d’une rétrospective à Hong Kong.
Plus de trente ans après avoir redessiné la skyline de Hong Kong avec une tour de verre et d’acier futuriste, l’architecte sino-américain Ieoh Ming Pei est à nouveau à l’honneur dans la ville avec une rétrospective. De la pyramide du Louvre à Paris à la tour de la Bank of China à Hong Kong en passant par le Mudam au Luxembourg, l’architecte a créé des bâtiments aux silhouettes iconiques, conjuguant modernité et histoire, avec des structures souvent austères et des lignes droites. Il a reçu en 1983 le prix Pritzker, considéré comme le Nobel de l’architecture.
Sur la cinquantaine de projets qu’il a conçus aux États-Unis et dans le monde entier, plus de la moitié ont été récompensés par des prix importants. «Il a eu une carrière unique qui lui a permis de travailler avec des dirigeants mondiaux et de construire des bâtiments majeurs», a observé son fils, Sandi Pei. «Les projets qu’il a réalisés sont d’une importance, d’une échelle et d’une réputation qu’il est difficile d’égaler.» Décédé en 2019 à l’âge de 102 ans, Ieoh Ming Pei fait l’objet d’une rétrospective au musée M+ de Hong Kong, réouvert après sept ans de préparation.
«Le design vient de l’intérieur»
L’exposition présente plus de 400 objets, dont des dessins originaux, des photographies, des films, des maquettes et ses incontournables lunettes rondes. L’architecte s’est fait connaître aux États-Unis pour la construction de la bibliothèque John-F.-Kennedy en 1964, la veuve du président, Jacqueline, ayant été séduite par son charisme. Sa renommée s’est encore accrue lorsque le président français François Mitterrand lui a confié en 1981 le projet du Grand Louvre, et qu’il a lancé un projet audacieux de pyramide de verre géante, très controversé pendant sa construction.
Les projets qu’il a réalisés sont d’une importance, d’une échelle et d’une réputation qu’il est difficile d’égaler
«Mon père avait beaucoup de charme», note son fils, également architecte. «Il disait toujours qu’on ne choisit pas ses projets, mais ses clients – mais tout le monde ne peut pas choisir François Mitterrand ou Jacqueline Kennedy!» Né dans le sud de la Chine en 1917, Ieoh Ming Pei, fils de banquier, a passé sa petite enfance à Hong Kong avant de partir étudier l’architecture aux États-Unis. Diplômé du Massachusetts Institute of Technology et de la Graduate School of Design de l’université de Harvard, il entame sa carrière chez un promoteur immobilier.
L’héritage multiculturel de Ieoh Ming Pei a été un atout, lui permettant d’apporter les notions chinoises de «famille, communauté et paysage» en Occident, combinées à son amour pour l’art et la sculpture du début du modernisme, selon Sandi Pei. Ses premiers projets de logements urbains ont affiné sa méthode, qui s’attache à s’adapter à «l’époque, au lieu et à l’objectif» de chaque site, plutôt que de calquer un style ostentatoire. «L’une des choses que j’ai apprises de mon père, c’est qu’il ne suffit pas d’arriver avec une idée et de la placer sur le site», explique Sandi Pei. «Le design vient de l’intérieur.»
«Rassembler les communautés»
Dans les années 1980, Sandi Pei a travaillé avec son père sur la tour de la Bank of China, composée de quatre pans triangulaires en forme de lames – qui se détache toujours au milieu de la forêt de gratte-ciel de Hong Kong. Ieoh Ming Pei est également admiré en Chine. Il est à l’origine de bourses permettant à des étudiants chinois d’étudier l’architecture aux États-Unis, à condition qu’ils reviennent travailler chez eux. Les architectes chinois d’aujourd’hui s’inspirent encore de l’approche analytique et réfléchie de Ieoh Ming Pei, selon son fils. Mais la construction dans le pays avance souvent à un rythme effréné et «la Chine doit ralentir, être plus prudente», note-t-il.
«On constate que les bâtiments les mieux construits durent plus longtemps. Ainsi, ils servent mieux leurs communautés et ne gaspillent pas autant de ressources», dit-il. Les œuvres de Ieoh Ming Pei, des monuments plus grands que nature, parlent de l’harmonie entre une communauté et son environnement, relève Sandi Pei, ce que montre l’exposition qui lui est consacrée à Hong Kong. «C’est la raison pour laquelle ses bâtiments continueront à vivre et à être appréciés, parce que je pense que les gens aiment s’y trouver, parce qu’il a aimé pouvoir rassembler les communautés à travers son architecture.