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Exposition – Le grand magnétiseur Takis défie la gravité


Expérimentateur infatigable, « savant intuitif », l’artiste grec Takis « électrise » Paris. Découverte.

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Les « Signaux » de Takis : de longues tiges de métal de plusieurs mètres de haut, sur lesquelles sont perchés des objets lumineux, des formes abstraites, des sculptures éoliennes… (Photos : DR)

Il affole les boussoles, fait jouer de la musique par des aiguilles et flotter des cônes métalliques à quelques centimètres d’une toile : le Palais de Tokyo à Paris consacre une spectaculaire exposition à Takis, 90 ans, le grand magnétiseur. « Le travail de Takis est essentiellement fondé sur la façon dont l’aimant peut permettre la réalisation d’une pièce qui est mise en lévitation », explique Alfred Pacquement, commissaire de l’exposition « Champs magnétiques ». « J’ai voulu donner, à travers une cinquantaine d’œuvres, une vision contemporaine de cet artiste, éviter de faire un parcours chronologique systématique, mais montrer ses différentes facettes par une suite de grandes installations », ajoute Alfred Pacquement.

> Quatrième dimension

Dès le début des années 60, Takis est fasciné par les forces invisibles des champs magnétiques, qu’il assimile à la quatrième dimension. « Tout le monde la cherchait à l’époque », raconte-t-il. L’artiste grec conçoit alors les murs magnétiques : des éléments métalliques – cônes, plaques découpées – flottent à quelques centimètres d’aimants installés derrière la toile.

Une œuvre plus récente permet d’expérimenter très concrètement l’énergie magnétique : invité à longer un mur en tenant une boussole, le visiteur voit l’aiguille s’affoler. Quant à la quatrième dimension, Takis en donne aujourd’hui une autre définition : « S’il y a une éclipse de soleil, la 4e dimension, c’est le sentiment qu’on a devant un événement aussi extraordinaire ».

> Musique des sphères

C’est à travers le son que Takis va poursuivre, au milieu des années 60, sa recherche de l’invisible. Ses groupes de « Musicales » associent magnétisme et vibrations sonores : mues par des électro-aimants toujours dissimulés, de grosses aiguilles viennent frapper aléatoirement des cordes de piano, produisant une étrange « musique des sphères ». Sur le même principe, Takis imagine des gongs de grande taille frappés par un marteau couplé à un aimant.

Takis revendique non sans humour d’avoir été le premier à envoyer un homme dans l’espace, six mois avant le vol de Gagarine en avril 61. Lors d’une expérience baptisée « L’Impossible » à la galerie Iris Clert à Paris, il met un de ses amis en lévitation quelques secondes par la seule force d’un aimant fixé au plafond. La même semaine, un autre artiste de la galerie, Yves Klein, réalisera la célèbre photo-manifeste « Le Saut dans le vide ».

> Kafka et Frankenstein

L’œuvre de Takis joue aussi dans les années 60 avec l’électricité dans sa forme la plus archaïque. En couplant des aimants avec de grosses lampes à vapeur de mercure, il produit une étrange lumière bleutée. Baptisées « Télélumières », ces lampes ont une dimension anthropomorphe et rappellent de lointaines déesses antiques, des gorgones ou des méduses.

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L’artiste va aller plus avant dans cet univers technologique sombre et troublant avec « Le Siècle de Kafka », une installation commandée par le centre Pompidou en 1984 : appareils électriques au rebut, « Télélumières », fragments de corps humain que vient effleurer un long ruban magnétique oscillant. Le laboratoire de Frankenstein n’est pas loin. Mais Takis ne rejette par la technologie : « On en a besoin, on l’utilise pour exprimer des idées », dit-il en se qualifiant au passage d' »optimiste de caractère ».

Tout autant que pour ses œuvres magnétiques, Takis est connu pour ses « Signaux », fil rouge de ses travaux : de longues tiges de métal de plusieurs mètres de haut, parfois renforcées par des vis sans fin, sur lesquelles sont perchées des objets lumineux, des formes abstraites, des sculptures éoliennes… Des pièces réalisées avec des matériaux de récupération, inspirées à l’artiste par des signaux lumineux en gare de Calais, au début des années 1950, et déclinées tout au long de son parcours.

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« Takis, gai laboureur des champs magnétiques et indicateur des chemins de fer doux ». Marcel Duchamp a écrit cet aphorisme en 1962 – qui ouvre cette rétrospective magistrale – après avoir rencontré Takis à New York, où l’artiste fréquentait la « beat génération ». « Il a écrit un texte magnifique sur moi, mais je ne l’ai pas compris tout de suite », raconte-t-il encore.

Le Quotidien (avec AFP)


www.palaisdetokyo.com

Jusqu’au 17 mai.

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