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Le duo allemand M+M fait son remake du cinéma


Avec 7 Tage, exposition présentée au Casino de Luxembourg, le duo allemand M+M se réapproprie des scènes clés de films connus pour développer des installations vidéo scindées en deux, créant un effet miroir ambivalent et tout en tension.

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« Saturday Night Fever », version M+M. Un « double » flirt qui met en regard une tendance hétérosexuelle et une autre homosexuelle. Déconcertant. (Photos : DR/Olivier Minaire)

Aujourd’hui, à Hollywood, tout le monde célèbre le film Boyhood, qui suit l’évolution d’un jeune garçon sur douze ans en temps réel. Eh bien, le singulier et sympathique duo M+M n’a rien à envier à l’obstination du réalisateur américain Richard Linklater : lui aussi s’est entêté à filmer le même protagoniste (l’acteur Christoph Luser), et ce, depuis 2009, date à laquelle il s’est lancé dans le projet 7 Tage (7 jours). Et, certes à leur manière, Marc Weis et Martin De Mattia racontent eux aussi les tranches d’une vie, celle d’un homme confronté à différents interlocuteurs, à travers sept situations s’étalant sur une semaine « ordinaire ».

Les deux artistes, grands amateurs du 7e art et forcément tournés vers des pratiques artistiques filmiques, ne sont pas des inconnus au Luxembourg. En effet, ils s’étaient déjà emparés du Kiosk il y a « sept à huit ans », tente de se souvenir le commissaire de l’exposition et patron des lieux, Kevin Muhlen. En outre, une de leurs pièces appartient à la collection du Mudam.

> La maniement de la lame…

Pas surprenant, donc, que le Casino poursuive la collaboration avec le duo allemand, et de quelle manière : le musée est en effet producteur de sa dernière œuvre (et coproducteur d’une autre).

D’où cette première monographie consacrée au travail de M+M, caractérisée par sept installations vidéo. On y suit, donc, un même personnage qui, du lundi au dimanche, change d’endroit et d’humeur, projeté dans des scènes clés de films connus. On commence ainsi la semaine par un épisode de Shining et ça se termine au lit, avec Godard et son Mépris. Si les situations sont d’apparence banale et que les dialogues sont, pour ainsi dire, conservés à l’identique, le génie des deux artistes est d’avoir reproduit chacun de ces petits morceaux d’histoire à travers deux projections parallèles.

Du coup, ces deux nouvelles mises en scène, qui défilent de manière synchrone, s’opposent en termes d’intonation émotionnelle. Le mardi, par exemple, la scène de rasage issue du film de Patrice Leconte Le Mari de la coiffeuse (1990), s’appréhende de façon différente. Quand c’est un homme qui manie la lame, la tension est palpable. Quand c’est une femme, c’est l’érotisme qui l’emporte. Idem quand le duo se réapproprie le mythique Saturday Night Fever. Sur la piste de danse, les intentions du personnage sont ambiguës, en fonction du sexe de son (sa) partenaire.

Et ces effets miroirs — ou plutôt de « va-et-vient », précisent les artistes — se poursuivent sur les cinq autres épisodes, aux « genres très variés », de l’horreur d’un Tenebre (Dario Argento) à l’intellectualisme très « Nouvelle Vague » d’Un homme et une femme (Claude Lelouch).

Le dénominateur commun dans 7 Tage — outre l’identité de ce personnage récurrent qui semble incertaine, nomade, voire « schizophrénique » — est un état de crise latent, un moment de basculement (ou encore de flottement) où le protagoniste, conscient ou non, se trouve à un tournant : en amant, en danseur ou en meurtrier… D’où l’éloignement qui se produit avec les films originaux. « Le public doit trouver sa vision et se laisse aller aux pures sensations physiques », expliquent, d’une même voix, Marc Weis et Martin De Mattia. Et c’est aussi pour cette raison que les références ne sont dévoilées qu’après « trois diffusions », précise Kevin Muhlen.

Seul petit hic pour les non-germanophones : les dialogues, même assez simples dans leur ensemble, ne sont pas sous-titrés. Néanmoins, le Casino prévoit, pour le public, une traduction des textes sur papier. M+M, de leur côté, après un laborieux travail de sept ans, en ont fini avec ce cycle. Inquiets ? « Non, on va rester à la maison et regarder plein de films ! » De quoi leur donner une inspiration nouvelle. À noter, pour les amateurs, que le duo sera du Luxembourg City Film Festival. Le 3 mars, au Casino, L’Âge d’or (de Luis Buñuel) y sera transfiguré.

De notre journaliste Grégory Cimatti


Casino – Luxembourg. Vernissage ce soir à 19h. Jusqu’au 3 mai.

Le Casino dévoile aussi l’exposition « Resolute – Design Changes », qui explore la responsabilité sociale assumée par les graphistes à l’heure d’aujourd’hui. Le Quotidien y reviendra plus tard dans ses colonnes. Vernissage ce soir à 19h. Jusqu’au 19 avril.