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[Exposition] La Philarmonie de Paris célèbre la Jamaïque


Au milieu des Caraïbes, la Jamaïque est devenue une exception absolue dans l’histoire de la musique. «Jamaica Jamaica!» rend compte des multiples facettes de cette histoire relue au prisme des conflits post-coloniaux et des rencontres qui ont fait naître cette musique unique et universelle, depuis le reggae jusqu’aux musiques urbaines contemporaines (DJ, sound system, remix, dub…).

Bien au-delà de la vitrine reggae et de son icône Bob Marley, toute la diversité musicale de la Jamaïque est à découvrir à la Philharmonie de Paris. Réunissant objets, images et films rares, l’exposition «Jamaica Jamaica!» permet de comprendre comment la musique de cette île minuscule a rayonné de par le monde.

«Le reggae est la musique jamaïcaine la plus populaire. C’est l’arbre qui cache la forêt. Je voulais donc explorer la forêt. J’avais à cœur de montrer sa richesse et sa diversité, tout ce que la Jamaïque a créé comme inventions pour les musiques urbaines d’aujourd’hui, du rap à l’électronique», commente ainsi Sébastien Carayol, commissaire de l’exposition. Le parcours en sept étapes, chronologique et thématique, propose de retracer l’évolution musicale, mais également sociétale et politique de la Jamaïque, cette île à peine plus grande que la Corse découverte par Christophe Colomb en 1494. Devenue une colonie britannique en 1670, elle devint presque aussitôt une plaque tournante de la traite des Noirs jusqu’à l’abolition de l’esclavage en 1838. Artistiquement, la Jamaïque s’est construite en réaction à ce passé douloureux.

Du mento, première forme de musique créole jamaïcaine apparue à la fin du XIXe siècle, au dancehall, né au début des années 1980 et qui désigne le lieu où on danse, en passant par le ska, le reggae et les sound systems, ces enceintes qui pullulent dans les rues de Kingston, tous ces courants sont présentés à travers des objets, photographies, films et vêtements. Que ce soit les premiers instruments de percussions, la guitare électrique en forme de fusil-mitrailleur M16 du musicien Peter Tosh, la console de mixage MC1 de l’ingénieur du son King Tubby ou les sound systems de pionniers comme V Rocket, Sébastien Carayol a dû faire preuve de persuasion pour se les faire prêter.

«La Jamaïque ne fait pas confiance aux institutions. Cela a pris un certain temps pour les convaincre, leur expliquer ce qu’est une exposition, en quoi c’est important», explique-t-il. Parmi les trouvailles dont il est le plus fier : ce panneau d’un disquaire des années 70 dont il a mis des heures à retrouver les morceaux au milieu de débris et d’araignées. «J’ai voulu inviter la Jamaïque à parler d’elle-même, affirme Sébastien Carayol. Dans chaque salle, on a des œuvres d’artistes locaux qui n’ont jamais exposé en Europe, comme David Pottinger ou Evadney Cruickshank, qui donnent une idée de la richesse picturale de ce pays.» Le visuel de l’exposition a été confié à Danny Coxson, un artiste de rue réputé pour ses peintures murales. Issu du ghetto, il a été invité à réaliser in situ des grandes fresques et des petits portraits.

Le graphisme est aussi mis en avant dans une salle où trônent des panneaux de bois peints à la main. Habituellement cloués aux arbres et poteaux électriques, ils annoncent les chaudes soirées sound system avec des typographies criardes et des formules en patois souvent racoleuses. Si l’activiste Marcus Garvey et l’empereur éthiopien Haïlé Sélassié sont devenus des symboles de résistance convoqués dans la musique jamaïcaine, Bob Marley fut son plus grand ambassadeur. Une salle résume les origines du rastafarisme, ce mouvement spirituel indissociable du reggae. Une autre est consacrée à l’icône Marley, mais en s’attardant sur l’endroit où il a grandi en compagnie de ses amis Peter Tosh et Bunny Livingston, futurs Wailers.

À Trenchtown, ils font face à une violence quotidienne. «Tout ce qu’ils chantent, c’est cette vie. On prête à Marley des qualités de géopoliticien, mais il chante sur son quartier, sur la guerre qui se déroule dans ses rues. Une fois qu’il devient une star internationale, chacun s’approprie son message», éclaire Sébastien Carayol.

Plusieurs concerts se tiendront autour de l’exposition. Notamment «Jamaican Revue» qui réunira mi-avril plusieurs générations de musiciens sous le patronage de l’emblématique Lee «Scratch» Perry. En outre, tous les vendredis en début de soirée, la Philharmonie accueillera des DJ sets et une web-radio (radiojamaica.fr) diffusera sans discontinuer de la musique, et ce, jusqu’au dernier jour de «Jamaica Jamaica!».

Le Quotidien/AFP

Jusqu’au 13 août.

http://philharmoniedeparis.fr