La Krome Gallery présente une exposition collective sur la question du chez-soi. Elle réunit six artistes qui interrogent notre habitat et son organisation.
Qu’en est-il de notre habitat à l’heure actuelle dans les pays occidentaux? Il est sûr que si on ouvre la presse, on retrouvera cette question plutôt dans la rubrique des problèmes de notre société que dans celle des solutions pour mieux vivre ensemble. Oui, l’habitat est devenu un problème et ce, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale quand certains ont tenté de nouvelles conceptions de l’habitat, notamment de grands ensembles qui causent aujourd’hui bien des soucis à nos voisins français. C’est à cette question qu’a choisi de s’intéresser le commissaire d’exposition et critique d’art luxembourgeois Christian Mosar, lorsque Michael Krome, de la galerie du même nom, lui a confié les clefs de la boutique.
«Lorsque Michael Krome m’a proposé d’être le commissaire d’une exposition thématique dans sa galerie, j’ai tout de suite pensé à une problématique très luxembourgeoise, mais aussi commune aux sociétés modernes : celle de l’habitation. Dans la notion d’habitat moderne, il y a eu beaucoup d’illusions, mais aussi de disparitions de plus en plus rapides de concepts d’habitat à proprement parler», explique le commissaire de l’exposition.
De l’aliénation au totalitarisme
Le titre, «Eigenheim», fait partie de ces mots allemands compliqués à traduire en français, mais qui se comprend comme le chez-soi, à la fois physique et symbolique. C’est autour de cette notion que Christian Mosar a réuni six artistes, membres ou non de la galerie, pour interroger et mettre à mal ce lieu qui nous est cher. Aliénant ou protecteur, exotique ou banal, l’habitat prend toutes sortes de formes et d’interrogations. L’Atelier Van Lieshout, collectif d’artistes dirigé par l’artiste et designer néerlandais Joep van Lieshout, propose ici deux dessins et une maquette qui présentent l’organisation de l’habitat comme totalitaire, dont le seul objectif serait de rendre ses habitants plus productifs. L’habitat devient ici un outil d’aliénation.
Le photographe français Guillaume Greff expose une série photographique réalisée lors d’une résidence en Finlande, dans laquelle l’habitat prend l’allure d’un refuge. Il mêle images d’archives et réalisations contemporaines dans lesquelles on découvre, non sans humour, les alternatives que l’humain se fabrique pour se mettre à l’abri. Les deux artistes allemands Andrea Pichl et Tim Trantenroth proposent de déconstruire le construit pour n’en extraire qu’un détail devenant ainsi abstraction. Il y a chez eux une sorte de réflexion sur cette esthétique qui ne peut apparaître qu’en prélevant un extrait.
Alors que Tim Trantenroth utilise pour ce faire la peinture, Andrea Pichl joue avec des médiums aussi variés que la photographie, la sculpture ou la reproduction photographique sur paillasson. L’artiste luxembourgeois Serge Ecker s’amuse encore une fois à nous révéler les contradictions entre la fragilité de la maquette et la solidité de la construction en architecture. L’allemand Olaf Holzapfel révèle, lui aussi à travers ses fragiles constructions, le lien indéniable entre le choix humain, la technique et l’abstraction, explorant les relations très étroites entre art et artisanat, tradition et modernité.
Enfin, l’artiste luxembourgeoise Chantal Maquet présente ici une nouvelle série sur l’habitat à Cuba, très loin du cliché exotique que l’on pourrait imaginer. Elle nous ouvre les yeux sur un autre type de construction, ouvert sur l’extérieur et la rue. «Eigenheim» est une très belle proposition autour de six artistes qui interrogent notre habitat moderne tout en nous proposant une réflexion sur la multitude d’alternatives possibles.
De notre collaboratrice Mylène Carrière
Krome Gallery – Luxembourg.
Jusqu’au 20 mai.