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[Exposition] Fela Kuti, roi de Paris!


«Jusqu'à sa mort, Fela Kuti a été harcelé par les autorités pour avoir dénoncé la corruption des élites», rappelle un commissaire de l'exposition. (Photo : DR)

La Philharmonie de Paris consacre la première grande exposition européenne retraçant la musique, la vie et l’engagement du «Black President», inventeur de l’afrobeat.

Nuits survoltées dans son club de Lagos, legs musical immense, engagement politique… La Philharmonie de Paris célèbre Fela Kuti, roi de l’afrobeat, dans une exposition-évènement. «C’est une figure qui nécessite cet éclairage pour déblayer toute la complexité de sa musique, sa personnalité et son aura politique», explique Alexandre Girard-Muscagorry, un des commissaires de l’exposition.

L’artiste était «d’abord un musicien surdoué, mais il est rapidement devenu la voix des sans voix à une époque, dans les années 70, où personne ne parlait comme lui de la corruption en Afrique», renchérit son fils Femi Kuti, 60 ans, devenu également musicien.

Décédé (du sida) en 1997, Fela Kuti trouve toujours un écho aujourd’hui. Dans le titre Déjà vu, sur l’album Homecoming : The Live Album, on entend Beyoncé et Jay-Z sampler Zombie, célèbre morceau du Nigérian.

Une empreinte sur les nouvelles générations

«Je ne suis pas surpris que les nouvelles générations s’en inspirent : Miles Davis le disait : « Fela sera connu dans le futur »», note Femi Kuti. Et d’ajouter : «C’est l’ironie de l’histoire : Fela n’était pas un artiste « mainstream », mais était écouté par les artistes grand public. On retrouve son afrobeat chez les pionniers du hip-hop et même dans le rock. Flea, le bassiste des Red Hot Chili Peppers, par exemple, le cite comme influence.»

Et le parcours de Fela renvoie à des soubresauts actuels. «Quand on a commencé à travailler sur ce projet, le mouvement Black Lives Matter a surgi et le combat de Fela dans les années 70-80 y a trouvé une résonance», développe Alexandre Girard-Muscagorry.

«Jusqu’à sa mort, il a été harcelé par les autorités pour avoir dénoncé la corruption des élites et pour son mode de vie éloigné des canons de la moralité», prolonge Mabinuori Kayode Idowu, autre commissaire de l’exposition, qui fut dans l’entourage professionnel de l’artiste dans les années 70-80.

Par quelle face aborder un tel monument? En partant de la musique et de son propre club de Lagos, le Shrine. Ce fut le lieu de concerts enfiévrés, dont fut témoin Paul McCartney, parti enregistrer Band on the Run en 1973 au Nigeria. Cette boîte de nuit mythique fut aussi un lieu de contre-pouvoir. En 1977, Fela refuse de participer au Festac, festival officiel, et organise son contre-festival au Shrine, où se presseront Stevie Wonder, Gilberto Gil ou encore Caetano Veloso.

« La musique est l’arme du futur »

«Fela disait « la musique est l’arme du futur », et avec son saxophone, il a capté l’attention du monde entier pour faire passer ses messages, contre le colonialisme, les régimes africains corrompus», résume Femi Kuti.

«Le Shrine, c’est le corps de l’exposition! Toute la scénographie est construite depuis l’évocation de ce club, avec une installation audiovisuelle où on voit Fela interpréter différentes chansons, avec des images inédites», décrit Alexandre Girard-Muscagorry. L’exposition baignera dans la musique de Fela, avec des extraits de morceaux pour décortiquer l’afrobeat (mélange de rythmes yoruba, free jazz, soul ou funk) et un concert de Berlin en 1978 pour en apprécier les différentes strates.

En outre, une collection «de 25 costumes de scène de Fela, visibles pour la première fois en dehors du Nigeria», souligne Mabinuori Kayode Idowu, fera également partie de l’exposition intitulée «Rébellion afrobeat».

On y apprend des choses méconnues : «Anikulapo» («Celui qui a mis la mort dans sa poche») est ainsi le nom de famille choisi par Fela pour remplacer l’originel («Ransome», qu’il considérait comme son nom d’esclave).

L’exposition met aussi en lumière les femmes qui l’ont entouré et inspiré, comme sa mère, Funmilayo Ransome-Kuti. Cette activiste féministe sera défenestrée – et mourra des séquelles un an plus tard – par des soldats lors de représailles au contre-festival de Fela en 1977. Les «Queens», les danseuses de Fela – certaines sont aussi DJ –, sont également documentées. Des éléments biographiques sur chacune d’entre elles permettent d’échapper à l’image d’une troupe anonyme et sexualisée à laquelle on les a trop souvent réduites.

«Rébellion afrobeat»
Jusqu’au 11 juin 2023. 
https://philharmoniedeparis.fr