« Rodin, le laboratoire de la création » propose une plongée dans le secret de l’atelier du sculpteur, véritable lieu de son génie et creuset de ses œuvres.
« La Porte de l’enfer » constitua tout au long de la vie du sculpteur son plus important travail. (Photos : AFP/DR)
Pour ce « laboratoire de la création », plus de cent plâtres ont été sortis des réserves du musée, ainsi que de nombreuses photographies qui témoignent des rapports complexes de Rodin (1840-1917) avec ce nouveau médium.
> Modelage
L’image du sculpteur, burin en main, face au bloc de marbre, ne correspond pas à la pratique de l’époque. « La plupart des sculpteurs sont des modeleurs », explique Hélène Pinet, une des commissaires de l’exposition avec Catherine Chevillot et Hélène Marraud. Ils travaillent la terre et « il y a quelque chose d’extrêmement sensuel dans leurs œuvres ». Rodin se montre très tôt d’une dextérité exceptionnelle.
Les modelages étaient utilisés pour faire des empreintes en plâtre qui, elles-mêmes, servaient ensuite à réaliser un bronze. « Les artistes ne fondaient en bronze que s’ils avaient une commande », souligne Hélène Pinet. Accusé à tort, au début de sa carrière, de s’être contenté pour une de ses pièces, d’avoir fait un moulage sur un modèle vivant, Rodin réalisera ensuite ses pièces à un format plus grand que nature.
> Mémoire
Non seulement Rodin faisait beaucoup de dessins préparatoires, mais il « gardait l’histoire de ses œuvres » en prenant des empreintes en plâtre pendant les différentes étapes du modelage. « Il ne perd rien de son processus de création, c’est un bonheur pour les historiens d’art », souligne Hélène Pinet.
De même, le sculpteur va garder la trace des coutures d’assemblage, non seulement sur les terres et les plâtres, mais aussi sur les bronzes, ce qui ne se fait pas du tout à l’époque. « Le plâtre, c’est vraiment le matériau de Rodin », souligne Hélène Pinet. Dans les grands ateliers, comme celui de Carrier-Belleuse où Rodin s’est formé, il y avait des spécialistes chargés de chaque partie du corps (tête, torse, bras…) que l’on assemblait ensuite.
> Puzzle
Comme beaucoup de sculpteurs de son temps, Rodin fait du marcottage : il réutilise des morceaux d’anciennes œuvres pour en réaliser une nouvelle, une pratique courante dans les grands ateliers. « Il y a un côté puzzle », explique la commissaire à propos de La Porte de l’enfer ou des Bourgeois de Calais. « Tous les corps vont lui servir, le torse de l’un, la tête de l’autre, il va s’amuser à faire des combinaisons. »
Une photo montre Rodin posant dans le Pavillon de l’Alma, un édifice d’exposition qu’il avait fait reconstruire à côté de son atelier à Meudon. Le sol est jonché de parties d’anatomie, ce qu’il appelait des « abattis ». Mais le sculpteur allait plus loin en présentant comme des œuvres terminées des corps en morceaux ou des torses sans tête. Une audace qui lui valut de nombreuses critiques. Une caricature le montre d’ailleurs poussant une brouette remplie de bras, de pieds et de têtes.
> Photographie
Tout en critiquant beaucoup la photographie, Rodin a fait réaliser de nombreux clichés tout au long de sa carrière par des professionnels, notamment Jean-Charles Bodmer et Jacques-Ernest Bulloz, mais aussi un amateur, Eugène Druet. Ces photos servent à illustrer des articles de critiques et à diffuser ses travaux.
Le sculpteur, qui choisit l’ambiance et le cadrage, « se bat contre les fonds nets, il veut des voiles et du flou », note Hélène Pinet. Ces photos témoignent aussi de l’atmosphère étrange de l’atelier, comme celle du Baiser d’Eugène Druet avec un marteau posé au pied de la sculpture ou celle de la tête de saint Jean-Baptiste posée sur un tabouret, de Jean-Charles Bodmer.
Le Quotidien/AFP
Jusqu’au 27 septembre.