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[Exposition] Elizabeth et Gérard Garouste convoquent l’insolite


L'exposition est présentée en deux lieux de DInard, au Palais des Arts et du Festival et à la Villa Les Roches Brunes.. (Photo : hugo misery)

À Dinard, et dans deux lieux, Elizabeth et Gérard Garouste présentent «L’art à La Source». Un événement à la gloire de ces défricheurs de liberté et créateurs de «curiosités»…

Elle : «Je suis en opposition avec l’idée de l’architecte Adolf Loos selon laquelle l’ornement est un crime et, comme le peintre Henri Matisse, j’aime créer de la fantaisie, du décor, pour exprimer mes sentiments.» Lui : «Ce qui m’intéresse, c’est de susciter un esprit critique, de provoquer des questions, de me débarrasser des concepts de beau et de laid pour dépasser l’impasse de la société moderne.» Elle est une designer et architecte d’intérieur née à Paris en 1946 dans une famille de juifs d’Europe de l’Est.

Formée à l’école Camondo, elle fait ses débuts comme décoratrice de théâtre avant de se consacrer au design. Il est né en 1946 à Paris dans une famille marquée par la guerre, la collaboration et une figure paternelle antisémite. Il est peintre, décorateur, sculpteur, illustrateur et a publié en 2009 un texte essentiel, L’Intranquille. Autoportrait d’un fils, d’un peintre, d’un fou. Mariés depuis décembre 1970, ils présentent ensemble l’une des expositions les plus intéressantes proposées ces temps-ci en France.

C’est à Dinard, station balnéaire nord-bretonne où l’on cultive le chic et l’élégance, qu’a été mise en place «Elizabeth & Gérard Garouste. L’art à La Source», une exposition présentée en deux lieux, au Palais des Arts et du Festival et à la Villa Les Roches Brunes.

«Je nous considère comme complémentaires»

Interrogés récemment sur cette nouvelle exposition après soixante ans de vie commune, défricheurs de liberté et créateurs de «curiosités», les deux artistes se sont expliqués. Gérard, diagnostiqué bipolaire dans les années 1970 et de plus en plus en quête de l’intemporalité : «Je ne sais pas si le public y est aussi sensible, mais, pour ma part, je ressens parfaitement la complicité entre le travail d’Elizabeth et le mien. Je le vis de cette façon et je me sens influencé par l’autre. J’aime beaucoup son univers et je nous considère comme complémentaires.»

Elizabeth : «Gérard et moi, nous nous sommes connus très jeunes (…) Comme nous venions de milieux et de cultures totalement différents, nous nous sommes formés l’un par rapport à l’autre, tout en ayant chacun un univers particulier. Nous avons appris à nous connaître et à nous fabriquer ensemble.»

Univers inclassables

À Dinard, sont donc rassemblées pas moins d’une centaine d’œuvres par eux fabriquées, provenant de collections privées et publiques et de leur appartement parisien. Dans le catalogue de l’événement, on lit l’intention de l’exposition : «Comment la vie de couple participe-t-elle au développement des individualités? Comment l’œuvre se construit-elle et quelle est l’influence subjective de l’autre dans la recherche plastique?» Une exposition plurielle et foisonnante pour une plongée vertigineuse dans l’univers de deux créateurs parmi les plus fameux français et joyeusement inclassables. Pour les Garouste, qui souhaitent éprouver les habitudes et convoquer l’insolite, c’est follement hétéroclite.

Avec, entre autres, l’installation monumentale La Dive Bacbuc, signée Gérard Garouste – même si elle a été déjà vue dans des expositions passées, elle demeure toujours aussi impressionnante qu’affolante. Au hasard de la déambulation, aussi, Le Vol du grison ou encore Le Golem… Elizabeth Garouste, elle, présente, entre autres, son fauteuil «Bérénice» (tissu, orné de fer forgé et doré à la feuille d’or) ou encore Fleur et flamme, une sculpture aussi légère qu’étourdissante en métal forgé peint. Elle dit : «Tous mes objets ont une âme et une histoire», et aussi : «J’aime beaucoup de choses, de toutes époques, de tous pays, mon travail y fait souvent référence, même parfois en mélangeant les influences. C’est pourquoi on m’attribue le nom de baroque… ou de Barbare… d’art brut ou sophistiqué.»

«Notre connivence est un peu inconsciente»

«Parce que Gérard et Elizabeth ont construit ensemble le projet de La Source, il y a trente-deux ans, convaincus que la création artistique pouvait soutenir l’action sociale dans sa lutte contre l’exclusion sous toutes ses formes», l’exposition a pour sous-titre «L’art à La Source», confient Laura Goedert et Stéphanie de Santis, les deux commissaires de l’événement. En écho, les artistes complètent le propos : «La Source est notre projet commun, qui a pris toute la place dans nos vies, l’aboutissement d’un désir de transmission, pour favoriser l’épanouissement de l’enfant et l’éveiller à l’art.» Concrètement, Gérard Garouste consacre 30 % de son temps à trouver de l’argent institutionnel et des mécénats tandis qu’Elizabeth anime les ateliers.

Chaque année, avec des pièces customisées par des designers, est organisée une vente aux enchères dont le succès ne cesse de grandir… Et le décorateur du Palace, lieu mythique des nuits parisiennes des années 1970-1980, de résumer le couple : «Notre connivence est un peu inconsciente, car nous ne nous inspirons pas l’un de l’autre, même si les formes se croisent parfois. On porte seulement une attention sur ce que nous faisons, mais chacun garde son univers…»

Jusqu’au 1er septembre,
Palais des Arts et du Festival – Dinard.

Jusqu’au 6 octobre,
Villa Les Roches Brunes – Dinard.

«L’art apprend la liberté aux enfants»

Gérard Garouste prend plaisir à dire et répéter : «L’art apprend la liberté aux enfants.» Fort de cette conviction, avec son épouse Elizabeth, il a créé à Dinard en 1991 La Source, une association qui fait prendre forme et réalité à leur rêve commun : soutenir les enfants en difficulté sociale grâce à la pratique artistique. Ce désir de transmission et de partage a donc pris racine dans l’association La Source Garouste, «un lieu de libération et de création pour donner aux enfants en situation de fragilité des clés pour avancer, telles que la tolérance, la découverte au contact des artistes et la curiosité».

Elle propose des ateliers de pratique artistique pour les jeunes de 6 à 18 ans en situation d’échec et d’exclusion sociale ou géographique et, de manière plus exceptionnelle, pour les familles. Ils sont organisés par une équipe éducative avec le concours d’artistes professionnels. L’association intervient également dans les établissements scolaires à travers la France et organise, au niveau local, des expositions, des visites de musées, et même des résidences d’artistes. L’association créée par le couple Garouste est aujourd’hui implantée dans dix départements en France.

Véritable outil socio-culturel, La Source est toujours dirigée par Elizabeth et Gérard Garouste, aujourd’hui rejoints par leur fils Guillaume et son épouse Stéphanie de Santis Garouste. Et maintient haut et fort l’idée fixe du cofondateur : «Il faut profiter de nos échecs et de nos réussites, parce que nos échecs sont aussi très intéressants pour des jeunes. Il faut être disponible, et par l’art, le dialogue qui s’installe est formidable.»

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